Winston Churchill, Discours de guerre

Voici une antho­lo­gie très bien conçue des dis­cours que Chur­chill pro­nonça entre octobre 1938 et août 1945 — pré­sen­tée en édi­tion bilingue qui plus est…

Voici une antho­lo­gie qui nous pro­pose quelques-uns des plus grands dis­cours de Wins­ton Chur­chill. Mais ce n’est pas uni­que­ment leur célé­brité qui a pré­sidé au choix dans ce recueil. Il suit un che­min bien étu­dié et bien étayé dans l’intéressante pré­face de Guillaume Piketty. Les docu­ments regrou­pés dans cet ouvrage per­mettent au lec­teur plus ou moins averti d’aujourd’hui d’appréhender la Seconde Guerre mon­diale telle que la vécurent la Grande-Bretagne et son empire. Il s’agit de dis­cours pro­non­cés à la Chambre des Com­munes, au micro de la BBC ou devant des publics variés, entre octobre 1938 — date du tris­te­ment célèbre désastre de Munich — et août 1945 — date de la défaite élec­to­rale du vieux lion.

La chro­no­lo­gie des dis­cours nous fait tra­ver­ser les étapes qui jalon­nèrent cette période pour le moins trou­blée : la défaite de la France en mai 1940, le pilon­nage des villes anglaises en 1941 et la téna­cité insuf­flée par leur lea­der à ses com­pa­triotes, l’ouverture des hos­ti­li­tés en URSS dès juin 1941, la signa­ture de la Charte de l’Atlantique puis l’entrée en guerre des États-Unis, la même année, jusqu’à la longue et coû­teuse marche vers la vic­toire ; et enfin, la démis­sion, en juillet 1945, et le tes­ta­ment pro­vi­soire d’un lut­teur épuisé par six ans de guerre.
Les évé­ne­ments qui consti­tuent cette trame ont beau être tous majeurs, c’est ici la parole de Wins­ton Chur­chill qui res­sort au pre­mier plan et qui cap­tive. Notons au pas­sage que le site de l’éditeur pro­pose à l’écoute cer­tains frag­ments de ces dis­cours, judi­cieuse idée qui per­met d’entendre ou de réen­tendre cette voix rocailleuse et essouf­flée, recon­nais­sable entre mille.

Saluons aussi le choix de pré­sen­ter la prose de Wins­ton Chur­chill dans une édi­tion bilingue, le meilleur moyen d’apprécier à sa juste valeur ce fruit d’une longue pra­tique et d’un grand amour de la langue anglaise. Le lan­gage, donc, est sub­til der­rière une appa­rente sim­pli­cité, et témoigne d’un souci per­ma­nent du style, ainsi que d’un véri­table génie des for­mules — s’il faut n’en citer qu’une, pre­nons celle qui donne son titre au fameux dis­cours du 13 mai 1940 devant la Chambre des Com­munes, au cœur du Blitz : 
Je n’ai rien à offrir que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur (Blood, toil, tears and sweat pour les anglo­phones).
Les expres­sions clas­siques alternent avec les locu­tions rele­vant davan­tage du lan­gage parlé, les cita­tions latines côtoient celles des grands poètes anglais ou amé­ri­cains. Enfin, tablant sur la fierté de ceux à qui il s’adresse, l’orateur mul­ti­plie à des­sein les allu­sions à l’histoire glo­rieuse de la monar­chie bri­tan­nique, à toutes les batailles vic­to­rieuses du passé. C’est que Chur­chill choi­sit de pla­cer son élo­quence, telle une arme, au ser­vice de la cause alliée. Sou­cieux d’exprimer pré­ci­sé­ment sa pen­sée et de tou­cher ses inter­lo­cu­teurs, il accorda tou­jours un soin minu­tieux à l’élaboration de ses dis­cours, n’hésitant pas à les retra­vailler, à les façon­ner des heures, des nuits durant, sou­tenu et épaulé dans cette tâche par ses indé­fec­tibles secré­taires, sans oublier les bois­sons pour les­quelles on lui repro­chait de mon­trer un goût trop prononcé.

C’est donc avec un réel plai­sir que cette édi­tion nous per­met de (re)découvrir ces modèles d’art ora­toire (indis­po­nibles depuis l’après-guerre), dont cer­tains pas­sages sont de véri­tables bijoux. Les jurés du Nobel de lit­té­ra­ture ne s’y trom­pèrent d’ailleurs pas lorsque, le 15 octobre 1953, ils attri­buèrent le Prix à leur auteur pour la per­fec­tion avec laquelle il [avait] pré­sent[é] la matière his­to­rique et bio­gra­phique, ainsi que pour l’éloquence brillante avec laquelle il s’[étai]t fait le défen­seur de hautes valeurs humaines.

a. de lastyns

   
 

Wins­ton Chur­chill, Dis­cours de guerre (édi­tion bilingue — tra­duc­tion Aude Cha­mouard, Denis-Armand Canal, Guillaume Piketty et Thi­bault Tre­tout. Pré­face de Guillaume Piketty), Tall­lan­dier coll. “Texto”, mai 2009, 427 p. — 12,00 €.

 
     
 

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