Chorégraphié et écrit par Gabrielle Jarzynski, dessiné par Eric Demelis, ce livre est un livre miroir et un écrit saint. Mais pas forcément chaste. Il débute ainsi : « Lorsque j’ai regardé ce miroir pour la première fois, je me suis confessé. J’avais péché. Je suppliais la Vierge Marie, les anges et tous les Saints de prier pour moi. J’avais pris la ferme résolution de ne plus blasphémer et de faire pénitence. » Bref, il s’ouvre comme un livre de repentance par anticipation.
Mais le miroir est profond et il suffit de souffler dessus pour que la buée qui s’y dépose se teigne de charbon et dessine les propres différences de la créatrice ailée, drôle, douloureuse (un peu), impertinente (beaucoup). Dès lors, elle et Lui (il n’aura pas de nom sinon un « toi » plus précis mais néanmoins vague) font leur une parole biblique :«Nous avons cru à l’amour que Dieu a pour nous.»(I Jn 4, 16) . Mais comme ce n’est pas un leurre, le miroir se trouble : il renvoie une autre image, celle de l’autre, d’un « toi »multiple plus qu’un.
La femme n’est plus elle-même : elle se transforme en appel, en désir, en attente du mâle. Son sexe « hurlant famine », n’est plus que sexe dans celui de l’autre, avec au creux du ventre le ventre des sexes, « au creux du ventre dans le ventre ». Pour que la messe soit dite ( sans « ite » à la fin) et dans une petite mort qui a tout d’une grande en un cœur de cible. Le calligramme de l’auteur le dessine en cercles de mots afin d’en préciser l’endroit.
Multiple comme ceux qui la rejoignent et sont venus pour ça, dans ce miroir, et dès lors, le tour de la question est faite : « Lorsque j’ai regardé ce miroir pour la dernière fois, j’ai récité une prière.. J’avais péché en pensé, en parole, par action » et plus que par omission. E l’auteure d’en revenir à la Bible et l’Epître aux Romains : « Là où le péché avait abondé, la grâce a surabondé» (Rm, 5, 20). Reste donc a croire d’une certaine manière en Dieu car plus rien d’autre ne pourrait compter.
Preuve qu’un tel livre est saint même si ses images – peu pieuses – laissent planer un doute sur le caractère sain de la sainte ou des saints. Restent néanmoins une histoire de fondements et de fondations. Le corps n’est pas seulement mis à nu ‚il est ouvert. Il devient corpus et chose extraordinaire en ses abattis. Grouillent des animaux de tout genre dans des intestins sous la grande nacre du ventre.
Les animaux n’y ont plus rien de faméliques. Certes, leur lustre rend jusqu’au bouc novice mais la femme caresse la corne d’abondance : en Sainte démoniaque, elle ne se contente pas de montrer ses seins.
jean-paul gavard-perret
Gabrielle Jarzynski & Eric Demelis, Un miroir, 2017, Atelier Gabrielle Jarzynski, édition limitée à 4 exemplaires.