Sauver les meubles, perdre les repères
Plasticienne, photographe, peintre, vidéaste et écrivaine Claude Chuzel pousse le regard hors de ses gonds. Sa série « Point(s) de vue » est constituée de 11 photographies de Shanghai marquées d’une pastille de couleur pour détourner le regard qui oscille entre ce point et le paysage. De l’image au texte, il s’agit de transfert et de déplacement. Poèmes et impressions visuelles créent un jeu de zigzag. L’œil glisse du texte à l’image. Mais tout est lu comme re-présentation : là où “une image se noie / dans une image il n’y a plus le temps / quelque chose vient de / frôler ta vie des grumeaux / d’histoire quelque chose / s’ouvre dans l’air “ : une sortie vers le flux extérieur.
Le moindre objet urbain ou intime crée un parcours réel et imaginaire où sont insérés dans d’autres « tableaux » parisiens. Les images font ce que les mots ne réussissent pas à donner : une réflexion et une vision décalée. Elles renvoient le voyeur vers un destin qu’il ignore. Et soudain celui-là, dessaisi de sa volonté, sort d’un état spectral et semble s’animer. A moins que ne se produise l’inverse…
En de tels travaux, le spectateur rentre soudain en demeure d’hypnose ou de sidération. Tout devient joyaux au milieu de l’univers de Claude Chuzel. La nuit est remplacée par le jour, le second par la première, l’inerte par le vivant ailé et le statisme par des courants d’air sourds. Un clair obscur reste de rigueur en une fête étrange, un plaisir visuel particulier et précieux.
Chaque œuvre se présente comme un volume plein isolé dans l’espace. Mais au lieu de s’emmurer, il s’ouvre à la dissémination spatiale à mi-chemin entre la fascination et l’abîme.
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jean-paul gavard-perret
Claude Chuzel, Coffret, Littérature Mineure, Rouen, 2017 — 30,00 €.