“Imaginations mortes, imaginez”
Se devine le plaisir ludique (mais pas seulement) de la directrice de « littérature mineure » au commande de ce — et à proprement parler – manuel. Il reprend sous effet de litote la fameuse définition de la pornographie par Robbe-Grillet dont la paternité de l’expression est souvent attribuée à d’autres. Loin du sacré et de l’ordure, l’ensemble des livrets constitue un ouvrage de sorcellerie amoureuse. A chacun d’en prendre et d’en laisser au gré de ses goûts et fantasmes.
S’y retrouvent des auteurs majeurs que défend l’éditrice avec au premier rang deux artiste : Mirka Lugosi et Gilles Berquet. A côté, remontent de l’enfer des vignettes désormais d’un autre âge mais où le sexe tout en dévotion et prière se pratiquait à genoux et face contre terre. Pour autant, il n’existe là ni pénitents, ni pénitentes. Preuve que la vertu n’est nullement essentielle en art : son contraire le “justifie ”.
Les divines marquise et les divins conquis ne sont ni révoltés ni implorants. Des religieuses enluminées vont cueillir des phallus sur l’arbre où ils poussent. Le livre est un théâtre dressé sur la face cachée du monde . La théâtralisation s’y opère par le graphisme et l’image La pornographie s’y fait frivole, elle constitue un choix délibéré pour transmettre des idées subversives sous forme du véda « baise-moi » qui laisse la part belle au théâtral, au romanesque — du moins lorsqu’il ne rue pas à l’appel du scandale. C’est même un cinéma où Pierrot fou fait le Jacques en regardant la lune pour y trouver son visage.
C’est là un superbe ensemble de tours de passe-passe et de maîtrise. Un moyen d’aller à la rencontre du lecteur en éveillant son plaisir. Il révèle l’humanité par le dressage de la scène de l’obscène. Cela revient à la transformer des rôles types en drôles de types ou femmes (l’inverse est vrai aussi). Parfois ne peut plus se dire qui est dominant et dominé, bourreau ou victime. Tout ondule entre clôtures et ouvertures, invitations sensorielles révélatrices des profondeurs de l’être et de l’hypocrisie sociale. Surgit ici — parce que les images sont habilement choisies et le texte de l’éditrice sulfureux — un lieu aussi mental que physique.
jean-paul gavard-perret
Marie-Laure Dagoit, L’Erotisme des autres, Editions litterature mineure, Rouen, 2017 — 25,00 €.