A l’ombre des jeunes filles en fleurs
Christy Titus, entre cérémonial et jeu, gravité et innocence, trouble et pureté invente des présences intempestives. S’inscrivent parfois sur le dessins des mots collés ou scotchés sans que l’on sache où est la clé de l’histoire : est-ce dans les inserts ou dans le dessin sur les papiers fragiles aux couleurs passées ? L’univers est insidieusement et volontairement transformé en présences énigmatiques et dans un érotisme larvé.
L’artiste évoque-t-elle la confusion des sentiments ou des corps ? La lumière comme l’ombre joue sur eux en provoquant des visions énigmatique afin de traduite la levée de certains interdits selon une théâtralité programmée voire des jeux plus ou moins dangereux.
La mutation des adolescentes en femmes est émise avec discrétion et poésie dégagées de toute obscénité. L’œuvre est un chant de la féminité. L’identité demeure sous forme dubitative : dire, voir, croire, exister sont entraînés vers une forme non de dissolution mais de valse. Indifférent à la narrativité psychologique, l’artiste défait la présence ou la met en floculation et en hybridation tant par les femmes présentées que par une mise en forme plus ou moins allégorique.
La vie danse par la bouillie des corps rayonnants en un hymne à l’expansion d’un épanouissement. Les couleurs pâles accordent à l’âme un passage obligé pour rebondir afin de ne plus souffrir du réel en tant que réalité manquée lorsque le corps est séparé de lui-même. Jaillit un rapport dynamique : il devient le moteur de l’œuvre comme de l’existence.
La jeune artiste américaine, installée à Paris depuis un peu plus d’un an, propose donc un univers particulier : si la ligne conductrice de l’exposition retrace ses rituels quotidiens de méditation qui lui permettent d’inscrire « un effet mnémonique », l’œuvre présentée transcende cette donnée initiale. Il est temps de pénétrer des domaines secrets où le corps devient mèche délicate au milieu d’ éléments premiers. Rien ne manque mais tout est sinon absence du moins suggestion.
Le corps - se sentant s’effriter de délices - rampe, émerge subtilement. Il jaillit, disparaît jusqu’à l’épuisement : ni le possible, ni l’impossible ne sont encore des garde-fous. Tout est instauré en ébullition. S’éprouve le creux où tout commence en une clarté qui égare mais où l’ombre réduit les mots au silence.
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jean-paul gavard-perret
Christy Titus, Fossilized Breaths, Galerie E. Evrard, Paris 18ème, du 23 au 31 mars 2017.