Annabel Sougné et l’art du décalage
Pour Annabel Sougné, la photographie devient le moyen de faire glisser la femme de l’ombre à la lumière. Elle approfondit le concept de féminité hors du charmant, du décoratif mais juste en le décalant par des jeux formels de détournements. Ils donnent à la femme tout l’espace en faisant le vide autour d’elle.
Le portrait comme le paysage est transformé en morcellements. Rien n’est totalement « donné » à l’image. Et cela, au nom d’une saisie qui coupe la chique à un réalisme trop tenace. La femme semble vivre libre dans un temps pur. Le corps parle soudain une langue libre, poétique parfois et parfois ironique. Reste l’existence dépouillée, l’éloge de son secret.
Rosé est le fruit de retrouvailles entre deux femmes (Florence Marchal écrit, Annabel Sougné lui « répond »). Dans ce travail, l’inceste est évoqué mais de manière délicate si bien que le lecteur/voyeur peut se laisser prendre sans comprendre cette thématique. Preuve que c’est bien le secret ici qui demeure : au lieu d’être évoquée frontalement (ce qui serait d’ailleurs une vue de l’esprit), la violence familiale est métamorphosée comme pour travailler l’inconscient.
jean-paul gavard-perret
Annabel Sougné & Florence Marchal, Rosé, Espace Regards Editions.