Entre hier et demain, le « présentiel » (Deleuze) d’Emaz s’apparente souvent à un vide. représente donc une interrogation. Elle annonce la fin ou l’enfin. Avant ce vide reste néanmoins le lieu où les hommes vaquent dans la perte de repères d’un cosmos où ils sont une particule.
Tout texte à cet aune reste une vanité mais néanmoins, sinon une arme, du moins un signe de passage. Emaz sait que celui-ci n’a rien de conséquent mais il n’empêche pas au discours de se poursuivre (au contraire) puisque c’est là tout ce qui reste : « le cœur cogne/on tient à quel fil » sinon celui que l’écriture tire encore un peu.
Minimaliste à souhait comme toujours chez Emaz, le texte ratisse ce qui peut l’être mais qui au fil du temps n’a rien de reluisant – ce « ce » l’a-t-il été un jour pour le poète ? Néanmoins, la langue tient au milieu des naufrages. Ce qui n’empêche pas à l’existence d’offrir au-delà des peines quelques satisfactions. Qu’elles soient évanescentes n’y change rien.
Comme le disait un personnage du Fin de Partie de Beckett « Quelque chose suit son cours ». Emaz s’y accroche au milieu des cailloux, des sables, des restes. Ils font le sel de la terre, sa richesse aussi puisqu’à la fin c’est tout ce qui reste quand il est encore possible “d’écrire toujours/même court même si/le sourire doute”.
jean-paul gavard-perret
Antoine Emaz, Limite, Tarabuste, 2016, 174 p. — 15,00 €.