Sylvie Huguet, La vraie nature du croquemitaine

C’est dans la famille que se dis­si­mulent les plus beaux monstres

Tout le monde ne peut comme vous res­ter fidèle à son enfance. (Le disciple)

Inutile de se perdre dans une île peu­plée de créa­tures étranges ou de han­ter les rues de Londres la nuit, c’est dans la famille que se dis­si­mulent les plus beaux monstres et que s’ourdissent les plus sombres ven­geances ; et les qua­torze nou­velles qui com­posent ce recueil sont autant de por­traits vitrio­lés de parents, grands-parents, frères, époux qui ne dépa­reille­raient pas les dynas­ties les plus cruelles.

 

Les uni­vers décrits par Syl­vie Huguet sont plu­tôt éru­dits, poli­cés et tran­quilles et que ce soit un paque­bot de croi­sière ou une mai­son bour­geoise à l’orée d’une forêt, on ne s’attend guère à y voir sur­gir la haine et le crime, sur­tout on ne sait jamais d’où les coups vont par­tir. De son écri­ture raf­fi­née, l’auteure décrit les rela­tions entre des per­son­nages qui s’épient. Par­fois la vic­time se rebiffe mais il y a fort peu d’issues heu­reuses car la ven­geance laisse un goût amer.
La plu­part de ces nou­velles sont réa­listes et ancrées dans un quo­ti­dien qui pour­rait être le nôtre. Tou­te­fois, cer­taines d’entre elles s’échappent vers un fan­tas­tique qui est plus ras­su­rant que la réa­lité, que ce soit une méta­mor­phose (Les larmes d’Orion) ou la revanche d’un ours en peluche (La vraie nature du cro­que­mi­taine).
Les ani­maux ont une place impor­tante parmi ces êtres si peu humains, en par­ti­cu­lier les chiens de com­pa­gnie qui tra­versent plu­sieurs nou­velles : cata­ly­seurs de haine ou com­pa­gnons ultimes ils peuvent aussi être une redou­table arme de poing (Mère-Grand). Et comme le pire res­sen­ti­ment se tra­duit bien mieux par les mots, Syl­vie Huguet nous donne à lire quelques lettres qui ne perdent rien de leur élé­gance même si la plume est trem­pée dans le fiel.
Je pour­rais écrire que je ne t’aime plus, si je vou­lais me plier aux conven­tions qui n’ont cessé de régir ta vie. Mais j’ai assez menti à moi-même et aux autres. De fait je ne t’ai jamais aimé.”(Dans l’erreur)

 

En mêlant cruauté et humour dis­tan­cié, ce recueil ne peut que confor­ter ceux qui ont fait leur la cita­tion d’André Gide : “Famille, je vous hais.”

 

Ce recueil est le sixième ouvrage publié par Syl­vie Huguet. Deux d’entre eux ont fait l’objet de chro­niques sur Le Lit­té­raire :
Les griffes de Shé­hé­ra­zade
Le démon aux digitales

p. châ­tel

 

   
 

Syl­vie Huguet, La vraie nature du cro­que­mi­taine, coll. “Encres Vaga­bondes”, Le bruit des autres, décembre 2009, 138 p.- 13,00 €

 
     

 

 

 

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