Une geste barbare et spectaculaire
Sylvain Runberg a conçu une saga qui intègre Histoire, mythologie et héroïc fantasy avec des éléments de fantastique et de merveilleux. Il réunit, dans ces temps immémoriaux, des peuples dont la structuration reste peu connue mais qui devaient se comporter comme ceux qui leur ont succédé avec le même goût pour la conquête et la prise de richesses. Il intègre des rares survivants de l’Atlantide, ce continent mythique cité par Platon dans deux dialogues, le Timée puis le Critias, mais dont personne aujourd’hui ne connaît l’authenticité, ni l’emplacement. La position la plus souvent retenue est l’île grecque de Santorin, une île qui a subi, il est certain, un énorme cataclysme. Il ajoute quelques animaux fabuleux comme les griffons ou ce mélange de diplodocus et de girafes. Il anime alors sa galerie de protagonistes avec les caractères, émotions, et sentiments habituels de l’humain. Il s’ensuit une succession impétueuse d’intrigues, de trahisons, de coups vicieux, de coups de théâtre, de vengeance, de perfidies… Et le scénariste ne s’en prive pas, multipliant les combats, les batailles, n’hésitant pas à faire couler des flots de sang.
Trois peuples Scythes, les Sarmates, les Cimmériens et les Callipides se sont unis pour former la “Horde des Vivants”. Ils règnent, sans rivaux, sur les plaines d’Asie Mineure disposant du nombre, de féroces animaux et surtout de l’aide de cinq sorciers aux pouvoirs dévastateurs, les derniers survivants de l’Atlantide. Le roi Hittite s’empare, pour satisfaire son avidité, de la cité d’Urar. La Horde se met en route immédiatement pour la reconquête de la ville.
Thusia, une scribe, a été envoyée par le roi de Babylone pour consigner les exploits de Cette Horde. Des dissensions, des ruptures, des traîtrises, des tensions d’égo au sein de la coalition vont rendre la reconquête bien incertaine. Thusia, est en fait la fille d’une Sarmate, bannie par la Reine, car accusée de s’être accouplée avec le dieu Mithra. Elle a intégré la Horde, avec ses deux sœurs, pour pousser son clan à faire sécession. Un des mages atlante a été assassiné, un autre est passé au service du roi hittite. Les guerriers de ce dernier ont tué les dresseurs de griffons, privant la Horde de sa puissance d’attaque alors que l’armée hittite dispose d’animaux bien supérieurs aux éléphants restants. Une partie des Sarmates a abandonné la Horde pour fonder un nouveau royaume. La bataille qui fait rage semble perdue. C’est Thusia qui, bien que torturée et menacée de mort, apporte l’esquisse d’une solution. Elle a eu connaissance d’une loi hittite qui stipule : “En cas de décès du souverain, toute guerre doit cesser jusqu’à ce qu’un nouveau roi monte sur le trône…”.
Marak, le roi des Callipides, entraîne la jeune femme et s’envole sur le dernier griffon qui lui obéit, pour tuer le souverain…
François Miville-Deschênes avait révélé un talent certain dans les cinq premiers tomes de Millénaire aux Humanoïdes Associés. Ici, il monte de plusieurs marches pour offrir un graphisme époustouflant, d’un caractère et d’une richesse peu commune. S’il sait montrer toute la beauté de la plastique féminine qu’il révèle à “tour de vignettes” car ces dames sont peu vêtues, il sait construire et faire évoluer un bestiaire fabuleux, des scènes dynamiques de bataille, des combats épiques et des repos du guerrier à l’érotisme affirmé. Il réalise des doubles pages magnifiques embellies par sa mise en couleurs directe.
Tout a une fin et il est souhaitable que les séries s’arrêtent avant de d’essouffler, avant l’album de trop. Mais on ne peut, avec ce tome quatre en mains, que regretter une telle décision face aux talents combinés des deux créateurs. Reconquêtes s’inscrit sans retenue dans les séries d’exception !
serge perraud
Sylvain Runberg (scénario) & François Miville-Deschênes (scénario, dessin et couleurs), Reconquêtes, t. 4 : “La Mort d’un roi”, Le Lombard, septembre 2016, 48 p. – 14,45 €.