Au « sale savon » (Prigent) de la poésie, Florence Pazzuto préfère le consensus facile et sans double piste. Ses effets rhétoriques ruissellement de factice. Le processus sonore — cher aux tenants des éditions Al Dante — enchaîne plus qu’il ne déchaîne dans une « bonne » parole sans tension mais huilé d’évidences. La poétesse qui redevient « djeune » s’époumone à bon compte : « vous entendez, ça gronde, ça bombe le torse, ça tape du poing, ça sanctionne, les voyageurs sans billets, les profiteurs du rsa, les resquilleurs, les agités, agitateurs, les militants incontrôlables, les fraîchement radicalisés, des djihadisés plus ou moins, ça justifie toutes les écoutes, après la flexisécurité voici la sûreté libérale ».
Bref, la poésie mélenchonne à tout va. Engagée, et à ce seul titre, la poésie ne convainc que les convaincus et glisse au bord de la préemption. La harangue est piètre. Ce qui n’empêche pas Bernard Noël — qu’on connut plus inspiré — d’applaudir le « défi de faire signe sans aucune réserve à un avenir – inouï ». Voire.
De fait, Florence Pazzotu ne fait que se baigner dans la langue avec jouissance en jouant les Villon postmodernes mais en oubliant ses débris du sens et ses mélanges qui font encore vibrer des rires que méconnaissent les manifestants exaltés d’un passéisme élevé au rang de révolution. Tout cela se veut vengeur, sonore et furibard mais reste plein de faiblesses attendues qui n’apportent rien à la dignité du poétique.
Les flèches de Florence Pazzotu se pensent apocalyptiques : elles ne sont qu’attendues. Secouée de cris, la poésie est donnée pour rien tant elle fonce, dans un enthousiasme naïf, plus vers l’arrière que vers l’avant. L’excès n’est que retrait par coup d’œil dans les rétroviseurs de l’histoire. C’est du Julien Blaine féminin et narcissique. Les soubresauts ne possèdent de scandaleux que leur nom et restent en extrême recul. Comme disait Coluche : circulez, il n’y a rien à voir (ou à lire).
jean-paul gavard-perret
Florence Pazzotu, Frères numains (discours aux classes intermédiaires), Al Dante, Marseille, 2016.
“les flèches” de Florence Pazzottu possèdent deux ZZ, pas un de plus !!! Merci.
Jean-Paul Sartre disait en substance que la littérature ne pouvait qu’être engagée. Votre critique l’est aussi, aux antipodes de l’engagement de Florence Pazzottu (respectez au moins son patronyme!) et de tous ces “passéistes” qui aspirent à fonder une autre société, libérée des appétits égoïstes, de l’intolérance et autres turpitudes qui font que les heures de l’humanité sont comptées (excusez-moi du peu!). Mais je n’ai pas l’ambition de vous convaincre. A chacun-e ses lecteurs et ses lectrices.