Claire Morel et Kenny Ozier-Lafontaine sont frère et sœur en utopie. Dans leur livre, l’humour désamorce l’angoisse du futur comme le regret des temps révolus selon des « monstrations » intempestives. Elles provoquent une jouissance par l’ambiguïté créée. L’art est des plus païens et iconoclastes même si existe - par l’effet légende — quelque chose de religieux.
Certes, les deux garnements ne créent pas afin de demander des grâces ou nous dédier leurs souffrances. Ils font mieux : ils se dédient à des farces animales pour agiter la bête en l’être.
La vie fait résistance par l’humour nonsensique. Et soudain la coque du scarabée humain éclate. Il contemple la vie telle qu’elle est et tout ce qui joue dedans au nom de ses organes, ses virus, ses bactéries. Détestant les choses trop propres, tels des défunts sursitaires, les deux plasticiens-poètes apprennent à tailler la forcenée stupeur.
Farcesques et facétieux et les plus profonds des philosophes, ils inventent une obscénité au second degré. L’art reste riche du profond amour de la vie. Il permet de créer des mensonges de plus en plus gros mais toujours rattachés à la réalité. Ils tapent dans le mille. Au pif.
Plus que la satisfaction pulsionnelle, Claire & Kenny mettent en exergue le gain absolu de folie. Elle donne paradoxalement à l’être un équilibre aussi bien entre les émois du cœur que ceux du corps à travers le non-sens. Un homme sans visage possède ses yeux dans ses chaussures. Dans un ciel couvert de nuage, un sexe animal vient porter la lumière sur un village.
L’humour reste capital. Il actualise un possible excessif : soudain, un flamant caquette sa philocalie, Icare tombe des nues et poursuit une rechute entropique.
jean-paul gavard-perret
Kenny Ozier-Lafontaine (Paul Poule) & Claire Morel, Flamant rose, éditions a-over, 2016 — 15,00 €.