Madeleine Froment fait du corps féminin et pour le regardeur un sujet de déposition, de perte et de résurrection. Le secret vient une fois de plus affirmer son autorité dans le lit des fées aux chevelures impressionnants. Pareilles au jeune Igitur de Mallarmé descendant dans “ le caveau des siens ”, les voici s’introduisant dans la couche où leur “ moi pur ” veut se confondre avec celui d’un autre. Mais la question de l’être reste celle du mystère, du secret.
A partir de là, le voyeur croit voir le jour. Mais les fantasmes espérés ne sont pas au rendez-vous. L’espace est obscur en sa clarté. Le voyeur est là où les ombres passent et disparaissent. Comme un animal, il cherche une cachette au moment où les fées jouent davantage la carte du charme que le registre de la suggestion.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La peur du vide.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ils bourgeonnent.
A quoi avez-vous renoncé ?
À renoncer.
D’où venez-vous ?
De Paris, le dix-huitième arrondissement.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
De la fragilité, une forme de marginalité, une culture profonde et variée, et aussi les valeurs de solidarité.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Dessiner en écoutant l’émission de radio “Sur les épaules de Darwin”.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Je préfère réfléchir à nos points commun plutôt qu’aux distinctions.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
C’est difficile avec les souvenirs, mais je me souviens, puisque nous n’habitions pas loin de la butte, de la fresque du Lapin agile, debout avec sa casquette sur la tête, sortant de sa casserole en cuivre.
Et votre première lecture ?
Les Contes du chat perché et les Bottes de sept lieues.
Comment définiriez-vous votre approche de la nudité ?
Je collectionne les corps et leurs histoires, comme une étendue d’hypothèses et d’éventualités. Mon travail est sans cesse en mouvement, et ne propose pas de cristalliser une théorie, il s’invente au fur et à mesure de ma production. Les corps que je représente sont sensuels, fragiles, érotiques, virils, maternels, féministes, et déploient toutes les questions sur l’ordre social et politique. Ils rendent compte de la puissance de la vie et viennent troubler les certitudes et les injonctions.
Quelles musiques écoutez-vous ?
À peu près de tout, en ce moment plutôt des choses qui appartiennent au passé.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
J’ai beaucoup de mal à relire un livre, même si je l’ai profondément aimé, je préfère en découvrir de nouveaux…
Quel film vous fait pleurer ?
Tous ceux qui touchent à l’enfance.
Quand vous vous regardez dans un miroir, qui voyez-vous ?
Une énigme à décrypter.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Si j’ai vraiment envie, je finis par oser.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Paris et les rues de mon enfance.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Romain Gary, Nancy Huston, Gustav Klimt, Dorothé Smith, Joel-Peter Witkin, Jim Harrison, Edouard S. Curtis, Nan Goldin, Diane Arbus.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
De l’attention.
Que défendez-vous ?
La certitude qu’il y a bien mieux à construire que le monde que nous connaissons.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Pour moi, aimer c’est faire de la place à quelqu’un, je n’ai envie de penser l’amour — dans ma vie — que dans cette idée.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?”
Le grand défi de ce monde est de communiquer avec les autres.
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 5 avril 2016.