Dans cette série, le scénariste privilégie la science-fiction, voire l’anticipation, à la fantasy. Mais il reste un fervent adepte de la fantaisie. Et il ne s’en prive pas dans cette saga à travers les étoiles. Certes, Christophe Arleston fait “du Arleston”, avec sa façon unique de manier l’humour, d’inventer des situations décalées, des séquences déjantées, voire burlesques au sens le plus noble du terme. Il fait preuve d’une inventivité remarquable en utilisant, en les revisitant, nombre des standards de la littérature populaire. Mais il n’est jamais éloigné de l’actualité et sait intégrer avec humour la réalité la plus sombre.
Cependant, sous des dehors loufoques, sous l’humour le plus potache, à la manière d’un maître du genre comme Pierre Dac, percent les inquiétudes de l’auteur quant à l’avenir et la survie de nombre de valeurs. Il n’hésite pas à fustiger les intégrismes les plus divers, du religieux au politique, prônant la défense des libertés, de toutes les libertés. Dans ce tome, il continue à provoquer des rencontres entre les deux héros et une kyrielle de peuplades humanoïdes du plus bel effet. Il rappelle avec le personnage du prévôt, habillé à la mode de Robin des Bois, le cynisme des élus dans l’édiction de lois perverses, la rapacité de ceux-ci qui n’ont pour seul objectif que leur enrichissement personnel.
Granite, pour échapper à Callista, a précipité son vaisseau dans la porte des univers et s’écrase dans les marais Frileux, sur la planète Glèbe. Si Narvarth, malgré ce qu’il veut faire croire, à bien encaissé le crash, ce n’est pas le cas de Danaëlle qu’ils retrouvent le corps traversé par un éclat de métal. En l’examinant, ils découvrent qu’elle est un Cyb. La nécessité de la soigner, la faune du marais qui devient agressive, amènent les deux agents à chercher du secours. Une navette conduite par des Purpres, une race d’insectoïdes technologiquement avancée, les recueille et les traite en Balares. Les soins apportés à Danaëlle provoquent, chez leurs sauveurs, une batterie d’interrogations.
Sur Nehorf, le haut-commissaire à fort à faire avec Latran, le petit génie. Celui-ci vient de faire une découverte fondamentale mais ne veut la révéler qu’au chancelier. Cédant à son caprice, ils se rendent au Capitol. En chemin le haut-commissaire reçoit des nouvelles alarmantes dont il fait part immédiatement, provoquant la colère de Latran. Alors que celui-ci va pouvoir parler une attaque brutale se déclenche. C’est Callista qui organise un coup d’Etat.
Sur Glèbe, le trio est envoyé vers une société de semi-humains, à la morale rigide. Alors que, sur les conseils de Danaëlle, Granite embrasse Narvarth pour faire la paix, ils sont surpris par le prévôt. Cet acte licencieux est puni de mort lors d’une lapidation publique. Les cailloux doivent être achetés auprès du revendeur agrée, le prévôt lui-même.
En prison, en attendant leur supplice, ils font connaissance de Flugurge, un exhibitionniste qui peut changer de sexe instantanément…
Le dessin d’Adrien Floch qui s’appuie sur les designs de Fred Blanchard, enrichi par la mise en couleurs de Claude Guth, porte le scénario de belle façon. Ces créateurs savent retranscrire à merveille toutes les subtilités du récit, les émotions, la richesse des décors et l’inventivité dans les personnages. Un cahier de seize pages complète la première édition qui fête le dixième anniversaire de cette saga.
Présenté comme un film, les héros et protagonistes principaux évoquent leur façon d’aborder leur rôle, la façon d’appréhender leur personnage. Une série très plaisante à suivre pour la richesse de son scénario, l’humour omniprésent qui accompagne le récit et les personnages riches en capacités de toutes natures.
serge perraud
Christophe Arleston (scénario), Fred Blanchard (designs), Adrien Floch (dessin), Claude Guth (couleurs), Les Naufragés d Ythaq, t. 13 : “Glèbe la singulière”, Soleil, coll. “Fantastique”, novembre 2015, 64 p. – 15,50 €.