Cécile Hug, Les dormeurs

Cécile Hug : demain n’est plus devant

L’impos­sible du réel ne cesse d’être fran­chi par Cécile Hug. Son art met les appa­rences en porte-à-faux de manière dis­crète et pour des images de rêve de durée immo­bile. Sur­git un monde étrange où tout de qui s’est en allé est dans le même temps déjà revenu. Fin et com­men­ce­ment, dehors et dedans coexistent, comme super­po­sés, comme pré­sents dans une même vibra­tion. En l’œuvre, tout com­mence ou recom­mence, inlas­sa­ble­ment nou­veau et à coup de frag­ments. Plu­tôt que le visage Cécile Hug offre d’autres pré­sences plus intime et plus à dis­tance. L’intime est par­fois blanc et presque nu mais par­fois aussi de l’atroce iro­nique le sou­ligne, comme si l’artiste entre­te­nait avec son tra­vail une immense véné­ra­tion et une for­mi­dable dérision.

Les corps (ani­maux ou humains) deviennent des ron­deurs, des épais­seurs d’espace, tou­jours se res­ser­rant, se contrac­tant dans le proche et le loin­tain, le lit­té­ral et le sym­bo­lique. Tout se passe comme si l’artiste, en créant ses images, souf­flait sur une vitre pour qu’elle devienne opaque. Par­fois, on aime­rait lan­cer à l’artiste un « Votre royaume pour un visage ». Mais ce serait de fait biai­ser les accroches de Cécile Hug. Les images se forment de ce qui tombe du visage. Il faut que chaque ren­contre soit impos­sible pour que la beauté levante étreigne le sen­ti­ment de l’éphémère.

Chaque œuvre reste un mono­logue inté­rieur de la créa­trice. Afin que demeure non une forme de vide mais de sus­pens. Etre sur un bord (celui du visage, comme du pubis ou d’un livre) crée une ten­sion. Celle-ci res­serre les ques­tions avec le désir de bou­ler dedans, de per­cer le silence. L’œuvre affirme donc quelque chose qui est moins la nos­tal­gie du sens que la recherche de ce qu’il peut deve­nir. Chaque image est aiman­tée par ce qui la crée et la fait avan­cer : l’oiseau, l’écoute, le silence, l’amour, les et le sens. Il arrive alors que le temps soit trans­pa­rent, le moi sans épais­seur : un simple regard peut-être.

jean-paul gavard-perret

Cécile Hug, Les dor­meurs (cof­fret), Edi­tions Der­rière la Salle de Bains, Rouen, 2015 — 25,00 €.

 

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