Christian Bobin cultive une forme de fétichisme littéraire travaillé ici par la disparition d’un être cher. L’objectif consiste à apaiser ce que le présent insupporte : « C’est si beau ta façon de revenir du passé, d’enlever une brique au mur du temps et de montrer par l’ouverture un sourire léger. Le sourire est la seule preuve de notre passage sur terre.» écrit l’auteur. Les aphorismes sont séduisants. Il sont en mohair et soie. Mais Bobin reste un décorateur. Chaque fragment devient le bonus du précédent en un story-telling qui ne risque pas de causer des insomnies — même si le sujet est grave.
Chaque texte est ciselé mais reste plat. Tout tient en forçant juste un peu le trait sous la forme d’une mauvaise sitcom là où la littérature ne dépasse ni la fiction ni le réel. A trop éviter les notes stridentes façon Bernard Hermann dans Psychose, Bobin rameute des violons en ce qui tient plus du stuc que du roc littéraire. Les pensées ne sont pas là pour soulever l’estomac. Et même si rôde la disparue, son Meccano est susceptible d’être démonté et remonté à gogo comme si l’auteur en avait conservé les boulons.
Bobin demeure un enlumineur. Il sait combien les détails permettent d’atteindre ce qu’on prend pour un absolu poétique fascinant pour ses afficionados. Pourrait-on le nommer morbide ? Non : Bobin se situe du côté de la vie. Certes, « Les ténèbres sont de notre côté, pas du tien » écrit l’auteur à la disparue. Néanmoins, dans la nuit reste l’éclairage. Le tout en une suite d’approximations démontables.
Et si les images semblent faire résistance, beaucoup peuvent leur résister. Car il existe du kitsch dans ce qui n’impressionne pas vraiment. Sans doute par manque de « sérendipité » : à savoir la découverte d’un imprévisible par accident en lieu est place d’un attendu. Bobin à l’inverse sait trop bien ce qu’il veut. Mais « Le manque de lumière est donné à tous » écrit l’auteur. Dès lors, dans et de l’ombre, il ne découvre rien. Et les lecteurs pas plus.
jean-paul gavard-perret
Christian Bobin, Noireclaire, Gallimard, collection Blanche, Paris, 2015,88 p. — 7, 99 €.
… par accident en lieu et place … en lieu est place ?
La citation finale : “Le manque de lumière est donné à tous” est inexacte et trahit la pensée du poète.
Il fallait dire: ” Le manque est la lumière donnée à tous.”.
Effectivement, la lumière doit vous manquer.
J.BF