Avec DÉMOCRATIE, Irina Rotaru propose un « acte » autant qu’une œuvre. Partant de documents préalablement choisis pour leurs formes, la créatrice cherche à produire un effet imprévu. Tout part à l’origine de 11 dessins d’une bouche en train de prononcer « demos kratos » — d’où le titre de l’exposition. A partir de cette bouche s’organisent des points de divergence fondés sur le devenir des êtres sur la terre.
Une série de dessins en grand format et au trait précis présente divers hybrides : Jésus enceinte, la Femme Saucisse, Eclipse, Cellules, Masturbation, S, Colonnes, Romantisme, Eléments en ébullition et Rosa Null (le zéro rose). Un catalogue de dessins de petits formats propose une narration en écho aux grands formats exposés et qui se termine par le dessin : “Spiritual Lipstick”.
L’idée de démocratie est donc illustrée de manière oblique par les dessins dont les formes demeurent « inassimilables » mais dans lesquels le mythe, le religieux et le politique sont toujours présents afin de signifier les refoulements que la prétendue démocratie du temps engage. Le travail oscille constamment entre pratique et réflexion. Celle qui fut élève de Giuseppe Penone aux Beaux-Arts de Paris où elle créait déjà ses « Ouvertures sans Issue » en prenant appui sur le vide poursuit la recherche de ce que celui-ci induit. Il reste le ressort intime de tous ses dessins.
Depuis des années, Irina Rotaru maîtrise totalement le dessin dans une forme d’apprivoisement d’une gestuelle au fil du temps devenue familière. Quoique souvent trouble par les thématiques et les genres, résolument le dessin est précis pour se tourner vers l’expression à la poésie est insidieuse et nouvelle.
Le trait reste pour Irina Rotaru riche de possibilités infinies. Seul, il crée déjà une certaine vision dont la symbolique des genres n’est pas absente. Multiplié, en l’ajustant tant dans son mouvement propre que son épaisseur, sa légèreté ou encore son élan, il est une perpétuelle ressource, aussi riche qu’inépuisable. Le monde n’y est pas déconstruit mais bien reconstruit à travers des silhouettes qui semblent ne se douter de rien. Et si parfois l’artiste a l’impression que ses idées neuves se transforment en éternel recommencement, il en émerge toujours une réussite. Irina Rotaru les intègre dans le cursus de son œuvre : DÉMOCRATIE en devient une étape importante.
jean-paul gavard-perret
Exposition Irina Rotaru, DÉMOCRATIE, du 2 juillet au 29 août 2015 . Galerie Maubert . 20 rue Saint-Gilles, 75003, Paris.