Valérie Jouve, Corps en résistance

Valé­rie Jouve et l’épreuve du réel

Photo­gra­phies et vidéos de Valé­rie Jouve créent la sym­biose des lieux et des corps qui les hantent. L’espace est à la fois dénudé et trouble, volon­tai­re­ment indé­ter­miné afin que l’étiquette « poli­tique et géo­gra­phique » soit volon­tai­re­ment ambi­guë.  Des sous-titres le sou­lignent : Les Per­son­nages, Les Façades, Les Pas­sants, La Rue, Les Situa­tions, Les Arbres… S’éloignant de la tra­di­tion des repor­tages pho­to­gra­phiques huma­nistes, Valé­rie Jouve ne rejette pas pour autant les valeurs humaines dans la tra­ver­sée de diverses fron­tières . Dont une des plus chaudes : celle qui par­tage Israël en deux « états ». Néan­moins, le ciel bleu reste intact et iden­tique  sous le poids des murailles et des ruines.
L’artiste y sai­sit des por­traits de femmes avec les­quelles elle entame un dia­logue avant toute opé­ra­tion pho­to­gra­phique. Res­sur­git la réa­lité d’une double mémoire : juive d’un côté, pales­ti­nienne de l’autre. Les deux gardent « Un Etat » en otage -  fan­tôme, masse immo­bile entre l’art et le docu­men­taire, le poli­tique et le poé­tique. S’y affirme une résis­tance pas­sive — mais résis­tance tout de même – aux nor­ma­li­sa­tions idéo­lo­giques, sociales, urbaines en ce qui tient de scènes par­fois cho­ré­gra­phiées à l’exemple de  Blues  (pièce réa­li­sée pour l’exposition) et où l’accrochage devient une com­po­si­tion et  une expé­rience musi­cale en échos au regard du visiteur.

La rue quo­ti­dienne reste la plus ano­nyme : mais des femmes la réin­carnent. Dans le pré­sent, le regar­deur découvre un voyage au cœur des dédales du réel. Corps et lieux sont comme fixés dans un temps sans temps, un temps à l’état pur. Si les pho­tos sont prises dans les ter­ri­toires pales­ti­niens, ces der­niers ne sont pas for­cé­ment dési­gnés et flé­chés comme tels. Valé­rie Jouve met de la dis­tance entre ce qu’elle choi­sit de mon­trer et ce que les images de repor­tages média­tiques exhibent habi­tuel­le­ment. Pour elle,  témoi­gner ne suf­fit plus même si la pho­to­gra­phie ne peut rien. Elle  sou­lève néan­moins des uto­pies  loin de celles, dou­teuses, de l’humanisme.

jean-paul gavard-perret

Valé­rie Jouve, Corps en résis­tance, Musée du Jeu de Paume, Jar­din des Tui­le­rie, Paris été 2015.

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