Thomas Burnett Swann, La trilogie du Minotaure

Un roman de Fan­tasy ancré dans le monde antique où Tho­mas Bur­nett Swann montre autant son talent de conteur que de magi­cien des mots

Cette his­toire com­mence de façon que l’on pour­rait qua­li­fier de naïve. En effet, Lor­don est un jeune homme devenu voleur et sa cou­sine Hora est une des plus belles cour­ti­sanes d’Égypte. Tous deux orphe­lins très jeunes, ils gran­dissent comme ils le peuvent et un meurtre com­mis de façon acci­den­telle les oblige à quit­ter leur pays natal. Ils embarquent alors sur un bateau qui les amène à proxi­mité des côtes cré­toises. Et là, le récit bas­cule dans le mer­veilleux. Une Har­pie attaque l’esquif et nos héros rejoignent un vil­lage en espé­rant y trou­ver un accueil favo­rable. Mal­heu­reu­se­ment pour eux, leurs métiers ne sont pas vus d’un bon œil et les grif­fons sont bons gar­diens : une ten­ta­tive de vol tourne court et voilà les deux condam­nés à l’exil dans le Pays des Bêtes. Effrayés, condam­nés à une mort cer­taine, ils sont accom­pa­gnés jusqu’à la lisière du bois bor­dant le vil­lage et entrent à contre-cœur dans les four­rés… pour y faire la plus belle des ren­contres et y vivre des aven­tures passionnantes !

Thomas Bur­nett Swann est un conteur né. Magi­cien des mots, maniant sa plume comme les plus grands peintres leurs pin­ceaux, il des­sine un uni­vers cha­toyant, doux et cruel à la fois, à l’image des légendes qui nous fai­saient écar­quiller les yeux quand nous étions petits. Nul besoin d’aligner ici les légers tra­vers de cette tri­lo­gie : ils sont très bien expli­qués dans la pré­face et se par­donnent sans dif­fi­culté, d’autant qu’ils sont invo­lon­taires.
Une fois passé le pre­mier cha­pitre, on se laisse prendre par le ton doux et poé­tique, les des­crip­tions pleines de tact, la fougue des pro­ta­go­nistes les plus jeunes et on rit de bon cœur avec les habi­tants de la forêt quand un cen­taure un peu saoul s’emmêle les pattes ! Et on pleure aussi lorsque les tra­gé­dies s’enchaînent… Mais les (bons) sen­ti­ments expo­sés ici, les qua­li­tés de l’écriture, le charme des thèmes abor­dés n’ont pour­tant pas formé un tiercé gagnant du vivant de Tho­mas Bur­nett Swann. L’auteur a eu bien du mal à se faire publier, et pour cause ! Sa Fan­tasy ne res­semble pas au canon imposé par Le Sei­gneur des Anneaux, loin de là. La fée­rie nais­sant dans un uni­vers antique, fina­le­ment très peu éloi­gné de notre réa­lité, a effrayé les édi­teurs en quête de nains, d’elfes et de dra­gons. Ce constat est affli­geant en ce qu’il sup­pose un for­ma­tage des goûts du public, sou­hai­tant lire sans arrêt le même remix d’une his­toire aux ficelles main­te­nant bien connues… Mais pour ceux et celles qui ont la curio­sité d’ouvrir cet ouvrage à la cou­ver­ture peu amène, pour ceux aussi qui com­mencent à en avoir marre des princes aux grosses épées et des his­toires de châ­teaux assié­gés, la Tri­lo­gie du Mino­taure est une véri­table bouf­fée d’oxygène. La ten­dresse qui se dégage des textes, l’humour sain — bien que par­fois nar­quois — et les images éblouis­santes qui défilent dans nos têtes sont sans com­mune mesure avec les récits sté­réo­ty­pés publiés à la chaîne ces der­nières années.

Nul besoin, qui plus est, d’être un fin connais­seur de la mytho­lo­gie grecque pour dégus­ter ces textes !Ils forment au contraire une très bonne intro­duc­tion à la matière, ce qui rend cette tri­lo­gie acces­sible à de jeunes lec­teurs. L’auteur, en véri­table pas­sionné, nous ini­tie à une forme d’harmonie, une phi­lo­so­phie qui pous­sera les plus curieux à ouvrir quelques clas­siques pour voir si un émer­veille­ment simi­laire naît à la lec­ture des textes d’Homère, Sophocle ou Vir­gile.
Un ouvrage à par­ta­ger, assurément !

ana­bel delage

   
 

Tho­mas Bur­nett Swann, La tri­lo­gie du Mino­taure (tra­duit par Sophie Vié­vard et Marc Février), Gal­li­mard coll. “Folio SF” n° 204, 2005, 551 p. — 8,00 €.

 
     

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