Etel Adnan est née en 1925 à Beyrouth. Après des études à la Sorbonne et à Harvard, elle a enseigné la philosophie en Californie. Des livres sur la guerre civile libanaise comme Apocalypse arabe ou Sitt Marie Rose (devenu un classique de la littérature de guerre) l’ont placée comme ont une des voix les plus importantes du féminisme et de la lutte pour la paix. Par ses poèmes (mis en musique par Gavin Bryars, Henry Thresdgill, Tania Leon, Zad Multtaka), romans, vidéos et toiles elle suggère comment l’être se construit à partir des éléments de la nature dont l’oeuvre plastique propose une architecture puissante et première. Elle a écrit aussi le texte français de l’opéra de Bob Wilson, The CIVIl warS, ainsi que deux pièces de théâtre produites à San Francisco, Paris et Düsseldorf.
Son œuvre picturale est exposée dans le monde entier. Par son inscription néo « cubiste », elle se situe loin du naturalisme comme du symbolisme. Au sein de l’éclatement des procédures picturales (comme des rôles en poésie), des circuits de diverses possibilités se croisent et reposent la question de l’identité de l’être et du monde. L’émotion n’est jamais de surface. Et Etel Adnan a horreur des effets : à un express qui déraille elle préférera toujours une suite de pas dans le désert. Et lorsqu’il s’agit de monter l’amour, elle choisit l’effet aporétique d’une porte d’une chambre qui se referme sur des amants comme celle d’une écluse plutôt que d’offrir des ébats voyeuristes.
Toute l’œuvre n’a pour but que de faire jaillir « la chose qui fait le lien avec tout le reste. C’est ce que nous appelons notre personne. Il y a un lien qui se fait involontairement, qui est là, c’est notre sensibilité, c’est notre identité… C’est une même personne dans des lieux différents. Tout art est une fenêtre ouverte sur un monde auquel lui seul a accès » écrit l’artiste. Mais ce monde pour elle reste indéfinissable : l’artiste le peint, l’auteure l’élève pour en donner des épiphanies.
jean-paul gavard-perret
Etel Adnan,
– Prémonition,
– Le prix que nous ne voulons pas payer pour l’amour, chacun 32 pages, Galerie Lelong, Paris, 2015, 7,00 €.
Hans Ulrich Obrist, Jean Frémon et Cole Swensen, Etel Adnan, Repères n° 162, Galerie Lelong, 2015, 65 p. — 20,00 €.