Marina, la fille maudite d’Andrea Dandolo, le Doge de Venise, a fui Doulopolis, l’île où sont retenus tous les otages pris par les pirates. Cependant, elle est enceinte des œuvres de Brago, son tortionnaire. Son père, devant son état, la répudie et l’envoie dans un couvent.
De nos jours, le Conseil des Dix est réuni car la situation est grave. La ville doit faire face à une Acqua Alta d’une ampleur sans pareille. Une des terribles prédictions de Dante Alegieri semble sur le point de se réaliser. Le professeur Boccanegra, faisant des recherches sur l’épave de la mythique Pantegana, a retrouvé un élément de la prédiction.
Mais, en janvier 1385, la situation n’est guère brillante pour Marina. Prétextant les douleurs de l’enfantement, elle s’enfuit du couvent et s’engage sur la lagune gelée. La glace cède et l’effort qu’elle fait pour revenir sur une surface solide déclenche l’accouchement. Elle est sauvée, momentanément, par deux hommes lancés à sa poursuite sur ordre de son père.
Boccanegra, malgré la tempête qui s’annonce, s’active sur l’épave qu’il a retrouvée. Celle-ci contiendrait les archives de Venise pour cette période. Celles-ci permettraient de comprendre comment le doge, à l’époque, a sauvé sa ville de la malédiction.
Les attaques contre les navires de la Sérénissime continuent. Le conseil décide d’anéantir les pirates et obtient l’aide de Marina qui veut se venger de son tortionnaire. Mais, si l’île peut être investie, de terribles surprises attendent les attaquants…
Avec un récit qui s’articule sur deux époques où les événements semblent se compléter et se répondre, le scénariste développe une intrigue attractive. Il met en valeur des prédictions dont l’auteur n’est autre que Dante, le fameux poète auteur de La Divine Comédie. Florentin engagé, il est un Guelfe ardent. Cet engagement le met sur les routes de l’exil car il lui vaut d’être condamné au bûcher. Il essaie, alors, de trouver des appuis dans les cours de l’Italie du Nord. La Grande Histoire n’a pas retenu, semble-t-il, ses prédictions relatives à Venise. Mais, pourquoi n’aurait-il pas, pour diverses raisons, prévue ces malédictions ? Ces prédictions entraînent un climat de suspicion, donnant à chacun des protagonistes des raisons de pousser ses arguments en fonction de ses opinions ou de l’opportunité de gêner ses adversaires. Se pose, à travers le récit, une question essentielle relative au paiement des rançons des otages.
En tout état de cause, Zidrou, s’appuyant sur l’aura d’un des plus grands poètes du Moyen-Âge, imagine une intrigue riche en rebondissements, passionnante par sa vision de la Sérénissime du XIVe siècle et celle d’aujourd’hui, dont le sort n’est guère plus enviable. Le scénariste construit deux galeries de personnages d’une grande richesse, multipliant les caractères pour mieux exprimer les sentiments contradictoires. Le dessin de Mateo fait merveille par son trait exprimant le dynamisme du scénario. Sa mise en page, de facture classique, convient à l’esprit du récit. Sa mise en couleurs directe offre une vision particulièrement intéressante de la ville aux deux époques.
Avec La prophétie de Dante Alighieri, les auteurs proposent un tome 2 passionnant qui laisse augurer d’une suite palpitante.
serge perraud
Zidrou (scénario), Matteo (dessin et couleurs), Marina, tome 2 : “La prophétie de Dante Alighieri”, Dargaud, juin 2014, 56 p. – 13,99 €.