Les grandes ombres de Yoyo Maeght
Là où gravitaient (et où gravitent) encore des œuvres contemporaines majeures, Yoyo Maeght rêva d’abord de devenir une grande personne. Plus tard, elle ne chercha jamais à fuir d’elle-même un lieu : entres autres et surtout la fondation de saint-Paul de Vence; Avant son départ, ses semelles la tenaient mystérieusement au sol où des chefs d’œuvre lui permettaient de s’échapper au-dessus des murs et entre les mailles de bien des filets. Dans son livre, ses travaux toujours magiques s’approchent et s’installent contre l’absence et le vide.
Son livre est une mine d’informations qui ne tombent jamais dans le cancanage ou le règlement de compte. Yoyo Maeght ne prétend pas plus y livrer un quelconque secret. Nul n’est moins bien placé qu’un(e) autobiographe pour donner sa vérité : d’où la platitude du dernier livre de Catherine Millet. Celui-ci en est le parfait opposé. Son auteure s’y éloigne les dragons de l’orgueil, des satisfecits et de leurs machineries suspectes.
Remontant à la jeunesse de son grand-père, la mémorialiste reprend l’histoire à partir des Cévennes puis glisse à Cannes, Paris et bien sûr Saint Paul. S’y retrouvent au fil des pages Bonnard, Braque, Miro, Calder, Giacometti (qui succéda de manière peur reluisante pour lui à Germaine Richier) et les autres mais aussi des inconnus ou méconnus (Jacques Kober en tête).
Les guipures d’églantine de l’écriture évitent d’érafler de manière gratuite les vivants et les morts. N’ayant jamais un regard de pionne, Yoyo Maeght va toujours de la nuit au jour comme lorsqu’elle évoque celui dont elle fut la plus proche et qui demeure un des plus grands peintres du XXème siècle : Gasiorowski.
Plus que tout autre, un tel livre permet de prendre la clé des champs et celui de la colline qui surplombe Nice. Son écriture aiguë pique ses épingles dans un certain velours. La jungle artistique ne se transforme pas en paradis mais échappe à l’enfer. Il y a là une élégance rare. Les arbustes humains y sont rarement secs : Yoyo Maeght les arrache aux gants noirs de la nuit.
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jean-paul gavard-perret
Yoyo Maeght, La saga Maeght, Robert Laffont, Paris, 2014.