Au texte d’amour de Franc Ducros où « comme à travers, / l’air tord les branches », Christine Valcke offre bien plus qu’un accompagnement ou une respiration. Ses lithographies sont en prise au plus profond et au « travail obscur des racines ». Elles donnent aux mots du poète un abîme et un ciel. Loin d’être un auxiliaire, elles deviennent une force laminante qui déporte le texte, l’organise selon un autre ordre : celui de l’ellipse à plusieurs foyers à la rencontre de l’invisible comme de ce qui ne peut se dire.
L’artiste impose une concordance inédite et une fluidité. Son œuvre ne manque jamais de hauteur là où un enfer horizontal se déploie. Les blancs laissés par la créatrice invectivent le silence. Retirant l’image des phénomènes réalistes, elle réveille les regards morts, leur offre un fond qui ne restera pas lettre morte.
Les transes, angoisses, suffocations des poèmes sont transformées en fine pellicule et matière. Ni ange et encore moins bête, Christine Valcke fait hurler l’âme en son centre inconnu de gravité. Un tel travail reste impénétrable et pourtant il touche au plus profond le vivant. Ses joies et ses mortifications donnent sens à l’amour non pas effet de métaphore mais d’empreintes où la femme reste « cette fracture / qui fait la terre soudain blanche / la nuit venue ».
Lire notre entretien avec l’artiste
jean-paul gavard-perret
Christine Valcke, Fracture, Ateliers de la Maison du Roy (livre réalisé avec le lithographe Pierre Robinault sur 8 poèmes de Franck Ducros), 2014.