Alain Ayroles & Richard Guérineau, L’Ombre des Lumières — t.02 : “Dentelles et Wampum”

Il conti­nue de déployer ses funestes talents…

La cor­res­pon­dance du che­va­lier de Saint-Sauveur, un mal­fai­sant total, est décou­verte dans la cache sécrète d’un bureau. Les lettres révèlent com­ment cet ignoble liber­tin a perdu une jeune aris­to­crate en la per­sonne d’Eunice de Clair­fond. Huit ans plus tard, cri­blé de dettes, menacé de mort par ceux à qui il a causé du tort, ne pou­vant s’introduire dura­ble­ment à la cour de Ver­sailles, il est contraint à l’exil vers la Nouvelle-France.

Il part avec Ada­rio, un Iro­quois et Gon­zague, son valet. Une lettre du comte de Mire­poix, lui donne l’espoir d’un retour en grâce. Il doit faire en sorte de flé­trir l’honneur d’une famille que ledit comte déteste pour des rai­sons de posi­tion sociale. Saint-Sauveur doit ame­ner Aimée d’Archambaud à s’éprendre d’un Iro­quois jusqu’à l’épouser. L’opprobre tom­bera alors sur cette infâme mai­son et les dettes de Saint-Sauveur seront effa­cées.
Sur le navire qui emmène tout ce petit monde vers de nou­velles terres, il com­mence à œuvrer de façon per­ni­cieuse. Il veut rap­pro­cher Aimée d’Adario. Pour vaincre les dif­fé­rences de rangs, il lui invente un sta­tut de prince en exil. Mais, si les men­songes éhon­tés semblent por­ter ses fruits, cela se fait dans la dou­leur. Saint-Sauveur doit quit­ter ses bas de soie, s’enfoncer dans les immenses forêts où le dan­ger est permanent…

Le récit conjugue deux formes nar­ra­tives. Une par­tie épis­to­laire et une par­tie dia­logues entre les pro­ta­go­nistes de toutes natures. Si, pour la pre­mière, le lan­gage est châ­tié, les for­mules employées sont tra­vaillées, pour la seconde, la liberté est de mise et les acteurs peuvent expri­mer leurs opi­nions, sen­ti­ments, émo­tions, res­sen­ti­ments et amour avec fami­lia­rité.
Le thème de ce tome reste un peu simi­laire au pré­cé­dent volume dans la mesure où il s’agit de faire perdre, pour des rai­sons cupides, l’honneur d’une jeune demoi­selle. Mais les péri­pé­ties et le cadre sont bien dif­fé­rents. Loin du faste de Ver­sailles, les per­son­nages sont ame­nés à vivre d’une manière plus adap­tée à la nature sau­vage et celle du Canada, à cette époque, devait être qua­si­ment vierge.

Le scé­na­riste pré­sente les diverses peu­plades qui occupent ces ter­ri­toires, les rela­tions plus ou moins conflic­tuelles qu’elles entre­tiennent entre elles et avec ces nou­veaux venus que sont les Euro­péens. La proxi­mité inquié­tante des Anglais qui pour­suivent leur main­mise sur la pla­nète n’est pas à négli­ger.
Les des­sins et cou­leurs de Richard Gué­ri­neau ins­crivent une belle réa­lité his­to­rique. Avec une éco­no­mie de traits, il sait rendre pal­pables les mou­ve­ments et sen­ti­ments des per­son­nages et joue avec les teintes pour ins­tal­ler des pro­fon­deurs. Il donne une belle image des décors, que ce soit ceux du royaume de France ou en Nouvelle-France, des vues superbes des pay­sages québécois.

Une suite est annon­cée sous le titre “Le Démon des Grands Lacs”, annonce qui ne peut que réjouir tous ceux, et ils sont nom­breux, qui appré­cient à sa juste valeur cette tri­lo­gie. Autre bonne nou­velle, l’éditeur fait part d’une suite à cette série com­po­sée de récits com­plets. La félo­nie de Saint-Sauveur est-elle inta­ris­sable ?
Un bel album dans tous les sens du terme, entre un scé­na­rio inven­tif, un gra­phisme remar­quable et une pré­sen­ta­tion qui met en valeur le tout.

serge per­raud

Alain Ayroles (scé­na­rio) & Richard Gué­ri­neau (des­sin et cou­leur), L’Ombre des Lumières — t.02 : Den­telles et Wam­pum, Del­court, coll. “Hors Col­lec­tion”, octobre 2024, 72 p. — 22,95 €.

Leave a Comment

Filed under Bande dessinée, Beaux livres

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>