Martial Verdier, Longwy

Tout ce qui reste

Une fois de plus, Mar­tial Ver­dier pho­to­gra­phie comme plas­ti­cien et docu­men­ta­riste des sites indus­triels, tra­vaille sur les pay­sages urbains et indus­triels. Et ici, par les « non lieux » d’un abîme éco­no­mique, il va à la ren­contre des fleu­rons déla­brés de ce qui fut un bas­sin d’espoir.
40 ans après le début des évé­ne­ments mar­quant la fin d’un siècle de mono-industrie, l’auteur dresse le por­trait du bas­sin, sorte d’instantané de vies et d’histoires mêlées. La des­truc­tion des sites indus­triels a entraîné d’énormes bou­le­ver­se­ments du pay­sage urbain. D’autant que Longwy fut long­temps un rêve avant de tom­ber. Le  désert, la désué­tude  furent la suite du « plan acier ». Il com­mit son tra­vail d’éradication. Certes, il y eut des reven­di­ca­tions, des grèves, de la déses­pé­rance. Mais poli­tique aidant, l’industrie s’est tue et l’animation est deve­nue celle d’une ville morte.

Martial Ver­dier, artiste et phi­lo­sophe,  montre le champ et le hors-champ d’une sorte d’absence, « comme dans l’art asia­tique, où le vide est pré­sence. », écrit-il en par­lant de ses pho­tos. Tra­vaillant en pho­to­gra­phie sur la ville et l’absence créée par la dis­pa­ri­tion des sites indus­triels, existe là un symp­tôme de l’époque comme une syn­cope visuelle. Les habi­tants du bas­sin pho­to­gra­phiés tentent de recréer une nou­velle iden­tité et quelque chose de nou­veau. Mais le doute est là.

Ce livre est le sym­bole sen­sible d’un vide et un repli autant inté­rieur qu’extérieur. Le pho­to­graphe ne joue pas sur des larmes de cro­co­dile. Il sug­gère un grand sac­cage poli­tique. Il raconte l’hier et l’aujourd’hui. C’est comme si la val­lée avait perdu ses che­veux, ses dents, sa joie. L’urbanisme n’a même pas eu l’effort de dis­per­ser les cendres du temps pour réin­ven­ter un lieu. D’autant que cela pour­rait être facile : mais  il n’y a plus per­sonne ou presque.

Le pho­to­graphe a écouté, accueilli, vu celles, ceux et ce qui reste. Même des four­mis ont démé­nagé. Sur le seuil froid de la val­lée, la ville semble frêle et assou­pie. C’est une vieille dame soli­taire. Des mai­sons tentent de se vendre encore, deve­nues encom­brantes. Mais pour elles, l’argent est inutile.
Les gens sont très dis­crets, s’effacent dou­ce­ment depuis ce point devenu vul­né­rable et oublié. Ils s’atomisent sauf s’ils aiment le silence et le vide. “Acier assez” cache la détresse et ten­dresse des ouvriers, il s’est recou­vert d’un rideau de rouille.

jean-paul gavard-perret

Mar­tial Ver­dier, Longwy, Cor­ri­dor Ele­phant, Paris, 2024, 65 p.

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