Valère-Marie Marchand, Spleen au lavomatic

Spleen du Paris d’un dor­meur du lavomatic

Valère-Marie Mar­chand prend de la bou­teille. Après divers genres (de la bio­gra­phie à la fic­tion courte), elle se lance dans un roman. Pas n’importe lequel. De son sombre héros – mais sans jamais  pra­ti­quer des exer­cices de fri­vo­li­tés, l’auteur les trans­forme entre mer­veille et réa­lité de manière méta­pho­rique.
Dans l’ascension de son per­son­nage (un rien benêt – autre méta fort peu phy­sique — pour son âge et son sta­tut d’intellectuel), tout com­mence au lavo­ma­tic. Comme beau­coup de tels pra­ti­quants soli­taires; il se met en mode pause et atten­dant que ça sèche même si les machines souf­flantes sont vic­times de souffles au cœur.

Dès lors, après son pre­mier ratage lit­té­raire en matière de Mino­taure, l’auteur ne perd pas sa plume. Il  estime qu’il est pos­sible de sor­tir un manus­crit là où le mal court pour ce mâle égaré. Il va donc affron­ter, comme dans les jeux vidéos, les étapes de son ascen­sion. A lui d’embrasser sa vie et recons­truire ses bribes lit­té­raires plus ou moins per­dues, éga­rées, retrou­vées, réécrites, recom­po­sées si nécessaire.

Valère-Marie Mar­chand fait d’une telle exis­tence un conte non sans aspect ico­no­claste (presque sans trop y tou­cher). Elle met du leurre dans le leurre comme du beurre dans les épi­nards d’un tel per­dant magni­fique, capable d’ascension quitte à laver le linge sale en famille ou à revê­tir la toge du juste – si elle résiste au grand Lavo­ma­tic vu sa tex­ture..
Elle s’amuse d’un tel héros dont la vie devient de petits pans de tex­tiles pliés ou hir­sutes. Un tel roman de for­ma­tion déplace les lignes d’inconduites. La nar­ra­trice nous amuse (avec sérieux) en une suite de moments où de tels dépla­ce­ments (plu­tôt rela­tifs) ont lieu par injec­tion d’un élé­ment propre à une telle fic­tion : assou­vir un désir du héros  que la figu­ra­tion de pié­ton de Paris pour­rait satis­faire — sans il est vrai quelques coups de pieds au cul requis.

La roman­cière sauve les meubles ren­for­cés par les aven­tures d’Emilien Dor­val (clin d’œil rim­bal­dien vu sa capa­cité de dor­meur). Elles sont ludiques, humo­ris­tiques, armées du sens de la dérision. Cette fic­tion devient un ravis­se­ment pour l’intelligence. Le tout dans l’esprit des “romans” de Dide­rot ou du héros de L’Amérique de Kafka..
Deve­nue met­teuse en situa­tions, l’auteure a su ne pas s’embourber dans les nébu­lo­si­tés d’une méta­phy­sique dou­teuse. Elle ménage des erre­ments ou des « oublis », des intran­si­geances ou des omis­sions. Ce tra­vail devient alors le miroir brisé du simu­lacre, sa vision remi­sée ou son aveu contrarié.

jean-paul gavard-perret

Valère-Marie Mar­chand, Spleen au Lavo­ma­tic, édtions Hélio­poles, Paris, 2024, 312 p. — 24,00 €.

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