Et la montagne révèle les êtres…
Le romancier est avec ses amis, Sylvain, Cathy, Daniel, pour une course en montagne. Ils veulent rééditer la ruse de Joseph Simond, en 1904, qui avait réussi à atteindre le sommet de l’aiguille de la République grâce à une …arbalète.
C’est en redescendant, après avoir savouré pleinement cette victoire, que l’auteur lance le sujet sur la disparition de la littérature de montagne. L’âge d’or des romans de Frison-Roche, Ramuz, Rigoni Stern… est révolu. Aussi, quand Daniel lui présente Rémy, un guide de la compagnie de Saint-Servais, il précise que sur l’alpinisme, il n’y a rien à dire de cet homme. Par contre, il a vécu une grande histoire et commence à raconter…
Rémy et Julien son frère cadet, issus d’un milieu modeste en région parisienne, sont devenus des guides de montagne. Si Julien ne rêve que d’escalade, de dépassements de soi dans des courses dangereuses, Remy a opté pour l’activité de moniteur mondain. Son allure, ses recherches vestimentaires, lui valent de nombreux succès auprès des dames qu’il guide et qu’il emmène, plus tard, au ciel. Mais une jeune femme, Laure, qui accompagne deux couples âgés, va faire basculer sa vie…
Amateur éclairé, fort de son expérience, Jean-Christophe Rufin propose un récit où la montagne partage la vedette avec une histoire humaine. Il soulève nombre de questions relatives aux relations entre individus, au statut social et à ses possibles évolutions, à la place des personnes dans un cadre donné. À travers le parcours d’un trio de protagonistes formé par Laure, Nadia et Rémy, tous issus de milieux pauvres, il interroge sur la façon de trouver sa place dans la société et les difficultés pour en changer. Il n’est pas spécialement optimiste quant à la progression dans l’échelle sociale et en fait mesurer le prix. Il fait état des priorités que se donnent les individus, des choix de vie entre ambition et sentiments.
Il montre aussi l’approche différente que l’on peut avoir vis-à-vis de la montagne, illustrant de belle manière les deux façons principales de l’appréhender entre l’alpinisme plaisir et l’alpinisme souffrance.
Avec ce roman, Jean-Christophe Rufin donne une vision différente de son œuvre, un aspect plus personnel. Ne fréquente-t-il pas assidûment le massif des Alpes, ne participe-t-il pas à de nombreuses courses ? Mais, n’est-ce pas aussi, en filigrane, son parcours pour se hisser au statut d’Immortel ?
serge perraud
Jean-Christophe Rufin, Les Flammes de Pierre, Folio n° 7 357, coll. “Romans et récits”, avril 2024, 384 p. — 9,40 €.