Les flux dynamiques du spatialisme de Pierre Garnier continuent de hanter la poésie contemporaine et son iconologie puisque, plus que les mots, c’est leur agglomérat plastique qui fait sens.
Poésie plane est un ensemble inédit des années 1968–1970 en conjoignant poèmes linéaires et spatiaux. Ses manuscrits de la fin des années 1960 montrent que Pierre Garnier désirait associer au sein d’un même recueil les deux poésies qu’il pratiquait, ne voyant pas de contradiction entre elles. Il savait que ces deux formalismes pouvaient se prolonger et se répondre avant de quitter quelques temps plus tard le spatialisme.
Chaque corps-texte de ce double livre-poème à sa manière historiographique renvoie au propre pouvoir de Garnier pour reconfigurer ses hantise en forçant le cortex. Moins délirante qu’il n’y paraît, la poésie spatialiste fut et demeure convulsive. Les mots possèdent un impact inédit. Il ne s’agit plus de lire en longeant le talus des lignes d’un langage-doigt. Il s’agit d’en remodeler l’argile.
La langue devint aussi parfois un feu sacré tissé en torsades et échos épars où se laissent capturer les linéaments. En sort non un goût de mère mais de mer immense dont la surface fait peau neuve par effet de plis et de vagues de vocables.
jean-paul gavard-perret
Pierre Garnier, Poésie plane, L’herbe qui tremble éditions, février 2024, 120 p. — 16, 00 €.