Dans la fugue de ses photographies et leurs exercices d’apparition d’un espace en miroir, l’artiste lyonnaise Blandine du Parc offre la présence de ce qui ne se voit pas. L’espace est à l’intérieur d’elle-même comme elle est à l’intérieur de l’espace. S’y voit la lumière-nuit. La nuit lumière du théâtre du monde en ses reflets. Les yeux s’écarquillent face à des jeux d’abysses. Quelqu’un parle en ses images : non à la place de l’artiste mais entre elle et elle. Si bien que les photographies divisent sans séparer.
Ether vague, chaire du monde. La narration n’a plus besoin de mots. L’image suffit. Blandine la jette aux lions : ils se couchent devant la visiteuse du soir. Ils sont fascinés dans la contemplation d’une ouverture secrète, d’un passage étranger, du mystère des miroirs — et comme l’écrit l’artiste — de l’« écheveau allumé par la lune lorsqu’à un jour pas rose il peut suffire d’une nuit ».
Blandine du Parc, « L’inattendu à sa fenêtre », L’Antre Autre, 11 rue Terme, 69001 Lyon, du 4 au 30 mars 2014
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La joie toujours neuve d’entendre le chant de l’oiseau qui joint la nuit au jour. La peur de mourir l’âme grise.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Passés à côté ; ils semblent resurgir maintenant ; distinguo difficile entre souvenir d’états intérieurs et rêves d’enfant.
A quoi avez-vous renoncé ?
A la profondeur réelle.
D’où venez-vous ?
Envers et malgré tout, de la joie. Malgré le carcan. Malgré la terreur.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Un irrépressible désir de liberté ; de la fantaisie.
Qu’avez vous dû “plaquer” pour votre travail ?
J’ai surtout dû “plaquer” mon boulot …
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Une salade au gingembre, faire une photographie amoureuse.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres photographes ?
Je n’en ai aucune idée
Où travaillez-vous et comment ?
Mon « atelier » n’en n’est pas un, c’ est plutôt une ville, façon Capharnaüm. Je le déteste, lui préférant le grand air et la lumière. Mais j’y suis contrainte. J’adorais les popotes du labo, dans le noir et ses révélations, le travail de marionnettiste sous l’agrandisseur, le ménage, rangement lessive des bacs. On travaillait avec tout son corps .
Quelles musiques écoutez-vous ?
Anouar Brahem, Angélique Ionatos, Anja Lechner (violon-ciel-liste), des vieux des jeunes des inconnus et ceux que ma pauvre mémoire ne retient pas. Chopin ‚Satie. Les musiques ont des saisons, des cycles. J’aime celles qui ont des silences profonds.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Le Petit Robert ! “Neige” de Maxence Fermine. “Le moindre des Mondes” de Sjon, l’islandais, « Le livre de Dina » (j’ai oublié son auteure à la minute), Stéphane Zweig “lettre d’une inconnue”.
Quel film vous fait pleurer ?
Je ne sais pas répondre. J’ai travaillé 20 ans dans le cinéma, à la prise de vues.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A Jeanne Moreau . Plongeant dans un texte que j’ai écrit, j’entendais Jeanne Moreau le dire ; je n’ai pas osé lui écrire pour le lui proposer.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
New-York, Los Angeles, Tokyo, Shangaï.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Je suis de l’eau, je me fonds je me coule je pénètre je cueille. Je vénère Matisse, je visite Chagall, je chéris Van Gogh, j’adore les rythmes et les teintes marocaines de Majorelle, j’aime passionnément Pierre de Fenoÿl, Giacomelli, Stéphane Sweig, Sjon l’islandais j’aime relire les 2 nouvelles de son livre “Le moindre des mondes”, je ne me lasse pas de Prévert autant que des haïkus, j’aime les tonalités de Maxence Fermine .
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un torrent de joie .
Que défendez-vous ?
L’esprit. Ca intéresse peu de monde. Dommage. L’irrévérence. La compréhension, l’honnêteté dans les relations.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Quelque chose de pas très gentil.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?”
Woody Allen pratique avec verve ‘et corse) la langue de bois qu’il porte en filigrane dans son patronyme, isn’t it ?
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
La question que vous avez oublié de me poser : Aimes-tu la noix de coco ?
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pourlelitteraire.com le 20 février 2014
L’art et la manière. L’élégance et l’ellipse. Toute en rag et en satin.