Avec Tout est solitude, Claire Fourier constate partout que le monde est fait par un Dieu plutôt bon, donnant à chacun le regard qu’il mérite, et le réconfort dont il aurait besoin, vu aussi l’état de solitude affective de la narratrice. Son but est de dire la réserve d’avenir qu’il y a dans le passé même si le présent (ou non) nous empêche de voir.
Elle en profite néanmoins afin de continuer son chant d’amour, allègre mais mélancolique, envers le genre humain suivant l’esprit autant de Tchekhov et Ionesco que de Bernard Noël et Blanchot qui le rangea à côté de Louise Labé et Madame de Sévigné. Comme tous ses livres, celui-ci est marqué de l’introspection et de la narration dans un souci de rigueur et de clarté poétique.
En fragments, Claire Fourier évoque sa petite histoire ou des histoires liées à la solitude afin d’apaiser la douleurs des lectrices et lecteur par ses mots : « Écrire et dire au lecteur le secret dont il crève et qu’il ne sait pas expliciter. » précise-t-elle.
Son horloge interne sonne bien dans le besoin d’être en phase avec ses frères humains qui, à l’image de Dieu (ou presque), infiltrent et forgent sa personnalité. Elle a d’ailleurs sans doute renoncé à beaucoup de choses en vue d’écrire ce livre. Et ce, en tant que femme du rivage : les pieds sur terre, le regard en mer — et sur le ciel aussi.
Son aisance dans la langue écrite crée une sorte de compassion particulière qui — mais c’est une hypothèse -, en allant voir des robes, permet parfois de vider sa tête quand la concentration sur le labeur la remplit. Originale, elle sait voir et écrire sur les gens, plus que les paysages. Et ce livre permet de découvrir ce que l’espace et le temps continuent de faire à ses semblables. Mais s’y comprend en quoi et pourquoi l’espace et le temps rendent ses semblables différents sans pour autant avoir besoin d’aller très loin pour cela : ils sont aussi singuliers qu’elle.
Toutes ses lectures modèles ont stimulé ses inclinations natives mais, s’en dégageant dans ce livre, Fourier prouve la présence d’une sensibilité déchirante, d’une ampleur et d’une grâce pour l’enchaînement d’instantanés de moments qui lui sont chers au sein d’une écriture aussi poétique que réfléchie. Circulent les solitaires qu’il s’agit d’illuminer. L’auteure sent des affinités qui la portent. Son indépendance d’esprit et sa langue restent entre vitalité et mélancolie mais non sans délicatesse, attachement au concret, limpidité et concision.
Certes, un tel livre n’a aucun goût pour les fêtes. Mais comment le lui reprocher ? L’auteure plaide dans la solitude un goût pour une liberté auto-disciplinaire, une douceur parfois sévère là où il n’y a pas de teneur sans tenue. De fait, la solitude sème à tout vent. Et c’est tant mieux pour celle qui ne tricote pas des pensées tirées par les cheveux mais propose ses arguments imparables et une littérature irréductible en son langage singulier.
De subtiles compositions lumineuses doivent se comprendre en un second degré afin d’entrer dans l’émotion délivrée par l’auteure capable parfois de jubilation et d’humour. Mais ici se passe un degré supplémentaire de contemplation des êtres et leur complexité en un mixage de force et fragilité. Y plane toujours une sorte de diaphanéité non dénuée de profondeur. Bien au contraire.
jean-paul gavard-perret
Claire Fourier, Tout est solitude, Tinbad, Paris, avril 2024, 194 p. — 20,00 €.
Merci de tout coeur pour vos lignes qui disent bien mon souci et mon approche de la solitude. En espérant qu’à travers vos lignes, “Tout est solitude” trouvera un écho bienfaisant chez tous les solitaires. Merci vraiment, Claire Fourier