C’est en novembre 1947 qu’Antonin Artaud a enregistré Pour en finir avec le jugement de Dieu. Cette commande de la Radio Diffusion française fut programmée pour le 2 février 1948. Mais sa direction redouta le scandale que cette émission avait annoncé. La presse lui emboîta le pas par anticipation pour juger ce fleuron explosif.
Un jury de journalistes, d’artistes et d’écrivains fut réuni pour évaluer ce déluge de cris, de bruitages et surtout de convulsions poétiques. Certains ont soutenu ce projet dont principalement Jean Paulhan, Louis Jouvet, Jean Cocteau, René Char. Mais l’émission n’a pas été diffusée.
Demeure néanmoins la trace (et bien plus) que cette Œuvre-testament où transparaît Artaud marqué par la drogue, les internements et qui va mourir dès le 4 mars 1948. Le texte déborde de transgressions triviales, d’imprécations fiévreuses et de fulgurances visionnaires : “Il faut que des champs d’activités nouvelles soient créés, ce sera le règne enfin de tous les faux produits fabriqués, de tous les ignobles ersatz synthétiques où la belle nature vraie n’a que faire”, lance par exemple Artaud qui, par la bande, rappelle “sa” terre des “Tarahumaras”.
L’édition du texte intégral est suivie par un dossier d’élucubrations « édifiantes » d’articles de presse d’époque. Partisans et opposants se succèdent. Pudibonds et défenseurs sont partagés. Mais jaillit ce qui les a ébahis ou sonnés par sa violence lyrique : ce chant dissonant à dessein, prophétique et enflammé.
jean-paul gavard-perret
Antonin Artaud, Pour en finir avec le jugement de Dieu, Allia, Paris, 2024, 96 p. — 8,00 €.