Le dernier récit de Valéry Molet est une réussite tant tout se dit en demi-teinte pour mieux mettre en exergue ce qui fait le commun du narrateur. Il est parfaitement lucide quant à sa dépression et ses faiblesses.
Mais ne sont-ce pas les secondes qui, tout compte fait, décident du sort de la première ?
Et ce, en hommage à une femme (Nathalie) avec laquelle il soliloque de facto en avouant aux lecteurs.trices ce qu’il ne peut lui dire : “Elle intensifiait tout. Ce n’était pas une femme c’était un tendeur”. Et qui plus est, entre deux néants d’une existence devenue “cacahuète chiée”, du moins pour un temps.
Car comme tout bon tendeur, celle qui a le vin — ou plutôt l’alcool fort — tout sauf triste finit par revenir.
Le narrateur en reste donc son yoyo, et après avoir cultivé le dégoût de lui-même qui le conduit “simultanément à l’andropause, la lobotomie et l’alopécie”, il suffit qu’elle ou qu’il l’appelle pour qu’il fasse un sort aux deux groseilles qui pointent dans le secret de son chemisier.
Qu’elle le déchire — en s’approchant trop près d’un roncier dans le secret d’un sous-bois breton près de la côte de granit rose où la lumière ne sèche jamais la rosée de la nuit ou des embruns — et il passe ses doigts dans le trou qui laisse voir la blancheur d’une poitrine déjà offerte.
Il peut alors sentir rouler une larme d’éros sur sa joue sans savoir de qui exactement cette larme venait. Dès lors, était-ce pour l’amour de ce qui s’était enfui que le souvenir pleurait ?
Et le narrateur avait-il en lui le vide ou était-ce seulement l’ombre de l’absente ? Ou si l’on préfère : d’où vient ce manque qui creuse le silence ?
Le texte est ici pour le dire, là où le narrateur lutte toujours contre le doute. Et le doute toujours contre la lutte. Les deux inséparables.
Mais ce qui est sûr, c’est qu’il fond (non sans humour) comme un flocon de neige dès que Nathalie vient.
Qu’importe si l’occasion, comme à la fin du livre, est l’entrée du funérarium où est accueillie la dépouille de la mère de l’aimée. Et tandis qu’elle brûle encore, ce sont d’autres feux qui réunissent l’homme et celle qui, en dépit de ses mensonges et trahisons, reste l’émouvante dans son “corset de douleur tue”.
Preuve que ce qui ne tue pas rend en quelque sorte plus fort .
Cela métamorphose chez le pâle héros, dépressif mais écrivain impertinent, ces ferveurs qu’il ne se croyait plus capable de “manufacturer” ou d’usiner.
Et son récit est un délice délétère et précieux, drôle et incisif.
jean-paul gavard-perret
Valéry Molet, Dénouements, L’échappée Belle, 2020, 59 p. — 10,00 €.