Le petit-déjeuner pervers de Paul Paillet
Chacun des éléments de cette exposition héberge des indices culturels et personnels montés une sorte de mise en scène.
Dès lors, “fascination for fire” est pour une part autobiographique, un retour sur l’adolescence de l’artiste en divers glissements sémantiques. Mais l’intime se prolonge vers des implications sociales, politiques, critiques.
Il y a là tout ce qui taraude nos sociétés occidentales, sa recherche acharnée du lieu idéal, de l’amour absolu ou encore de son « moi intérieur ». Mais cette quête d’espoir n’est qu’un leurre. Il est transformé en produits marketings.
Et ce, à travers un “innocent” petit-déjeuner du matin, ses éléments : tasse, cuillère, radio, journal qui possèdent un sous-texte précis.
Par exemple, le journal “Untitled (The Path)”, qui accompagne ce repas matinal est composé de pages en feuilles d’aluminium. Il présente un texte en relief gaufré, portant des traces de transfert à l’acétone. Si bien que cet objet peut être tout autant associé au mode de consommation de l’héroïne.
Quant à la cuillère McDo, elle fut celle dont les dealers de cocaïne se servaient pour étalonner leurs doses.
De plus, les textes en une stratification de signifiés reprennent des aphorismes ou des phrases « bateaux », tirées d’interviews d’artistes trouvées dans des magazines.
Et le sous titre (The Path) devient le rappel d’une série télévisée américaine qui évoque de manière à peine voilée la scientologie et les dérives cabalistiques de certaines sectes.
Paillet crée une combinaison paradoxale entre douceur (chansons romantiques, blancheur immaculée de la porcelaine) et une menace cachée.
Un jeu subliminal se crée entre l’apparence, la superficialité au moment où mots, images, musiques deviennent le mirage de croyances dévoyées qui taraudent nos sociétés occidentales capables de faire commerce de tout.
jean-paul gavad-perret
Paul Paillet, Fascination for fire, Centre d’Edition Contemporain, Genève, du 18 septembre au 11 décembre 2020.