Publiée en 1923 dans la Nrf, cette version première dans la mouvance du surréalisme est bien différente de celle qui se retrouve dans Plainte contre inconnu. Elle n’avait été jamais reprise et republiée.
Ce texte (préfacé par Jean-François Fourcade) devient le témoignage d’une trajectoire ratée à laquelle la fin même échappe puisqu’elle ne contient pas encore le suicide de Jacques Rigaut (photo ci-contre) — l’ami de l’auteur — qui viendra huit ans plus tard.
Sous le personnage de Gonzague, Rigaut y apparaît cependant. C’est celui qui fut retrouvé plus tard dans le personnage incarné par Maurice Ronet dans Feu follet où son suicide est imagé.
Surgit ici la secrète pulsation de muettes marées qui annoncent la tempête près d’un phare d’appels échoués, là où se dit l’enfermement de la chair sans amarres.
Le portrait est tracé avec acuité et sans fards : l’auteur est saisi par ce qui, chez Rigaut, oscille entre vacuité et fascination.
Drieu ne laisse sous cloche aucun échec et ce, avec une acuité cruelle qui laisse deviner aussi ce que l’auteur savait mépriser en lui-même.
Ce qui peut étonner ou devenir vecteur d’incompréhension pour certains lecteurs est remplacé par une disposition foncière d’hommage à un homme et un auteur étranger à toute divagation dans son maelstrom d’émotions existentielles mais aussi mortifères.
jean-paul gavard-perret
Drieu de la Rochelle, La valise vide, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2020, 80 p. — 15,00 €.