Poétique des ruines
C’est un monde perdu et disparu qu’évoque les photographies de Henk Van Rensbergen. Elles ouvrent tout un champ d’interprétation : « Mes photos, en apparence objectives, laissent le champ libre à toute interprétation. En dernière instance, c’est le spectateur qui va réécrire l’histoire de ce qui s’est passé dans ces lieux ; c’est son imagination qui va leur redonner vie.» écrit l’artiste.
Celui qui est pilote de ligne profite de ses escales en divers lieux du monde pour rechercher, explorer les lieux abandonnés et en révéler la beauté. Un cimetière flottant de navires de guerre en France, un parc à thème inondé à la Nouvelle-Orléans, un sanatorium en Abhkazie, un love hôtel oublié au Japon, un palais Renaissance sur un lac italien servent de points de capiton propres au rêve et à l’imagination.
L’auteur double ses images d’anecdotes qui illustrent ses découvertes et ses états de tels lieux et ce, en une sorte de poétique des ruines et leurs vides qui demeurent d’une certaine manière hantée.
Surgit une histoire de regard, mais autre chose encore et comme au dedans des yeux.
L’image défait les liens du visible pour que l’insaisissable prenne paradoxalement « corps » et afin que les lieux oubliés reçoivent une densité diaphane ou plus matérielle.
Ils sont tirés hors de leur sommeil de larve pour redevenir papillons. Ils donnent à leurs formes en désuétude une possibilité de cadences vitales.
jean-paul gavard-perret
Henk Van Rensbergen, Abandoned places, coll. Photographie — Alernatives, Gallimard, Paris, 2020.