Julien Boutreux doute trop de lui. Et de son oeuvre. C’est souvent le cas de ceux qui semblent les improbables de l’écriture — car elle ne semblait pas leur être actée d’emblée — mais qui sont souvent les seuls auteurs dignes de ce nom. D’autant que, sous l’apparence de ne pas y toucher, Boutreux possède des assises solides et secrètes.
Il en livre quelques unes à travers ces réponses. Ajoutons que son livre chroniqué sur ce site (Cinquante vues du Serpentaire) est de loin un des incontournables de l’année pour qui aime l’écriture. Sa nef des fous vogue ici sur les gouffres.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La sonnerie de mon réveil, c’est-à-dire la nécessité de gagner sa vie plus le sens du devoir. Je sais, c’est pas très sexy mais c’est comme ça.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Des rêves d’adulte ; et pour une petite partie, de bons souvenirs.
A quoi avez-vous renoncé ?
A l’accessoire.
D’où venez-vous ?
De nulle part, comme tout le monde.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Rien, comme beaucoup.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
La musique, la lecture – ça en fait deux !
Qu’est-ce qui vous distingue des autres écrivains ?
Sans doute le fait que je n’en suis pas (encore ?) un.
Comment définiriez-vous vos narrations ?
Juste des fables. Mais ça évoluera probablement.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Sans doute une « grande image », obtenue avec dix bons points.
Et votre première lecture ?
Une histoire de chèvres ; il y en avait trois (une rousse, une blanche, une noire). Tout ce que j’ai pu lire depuis était un peu fade à côté.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Métal, jazz, musique d’avant le classique, un peu de musique contemporaine, un peu de rock, un peu de folk.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
“A confederacy of dunces” (La conjuration des imbéciles).
Quel film vous fait pleurer ?
“Paris, Texas“
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Le type d’en face.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A Jude Stéfan (à propos de ses nouvelles notamment).
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Le cap de la Hague, ou le Causse Méjean.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Difficile de répondre à ça… Jack Vance, Jim Thompson, Pascal Garnier, Ionesco, Jude Stéfan…
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Rien. Ou alors l’intégrale de la Pléiade. Tout ou rien, en somme.
Que défendez-vous ?
La veuve et l’orphelin.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Cela me rappelle un entretien d’admission dans une école ; j’ai dit que c’était n’importe quoi, et on ne m’a pas pris. Depuis, j’ai un (tout petit) peu mieux compris Lacan, et c’est juste génial. Du niveau de Jésus.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
C’est rigolo mais déjà moins vertigineux, genre blague, niveau Socrate glandouillant dans les faubourgs d’Athènes.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
La seule qui vaille : l’univers a-t-il un sens ; y a-t-il un plan cosmique ? (Mais je n’aurais pas su quoi répondre).
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 30 septembre 2019.