Olivier Truc, Le dernier Lapon

Un thril­ler pas­sion­nant aux pays des Sami

En 1693, dans la Lapo­nie cen­trale, un vieux cha­man por­teur d’un pré­cieux paquet, fuit le pas­teur luthé­rien qui évan­gé­lise, par la ter­reur, toute la région. Rat­trapé, il est condamné au bûcher. En mou­rant, dans un der­nier chant mys­tique, il convainc un jeune homme de…
De nos jours, Kle­met Nango, de la police des rennes, attend avec impa­tience le len­de­main pour retrou­ver une ombre. Le soleil, dis­paru depuis qua­rante jours, va reve­nir pour… vingt-sept minutes. Avec Nina Nan­sen, sa jeune col­lègue, il gère les conflits entre les éle­veurs. Leur rou­tine pro­fes­sion­nelle est bou­le­ver­sée quand un tam­bour de cha­man est volé au centre cultu­rel de Kau­to­keino, sa bour­gade, et qu’il retrouve Mat­tis, assas­siné après avoir été tor­turé, près de son gumpi, son abri de ber­ger. Ce tam­bour, res­ti­tué aux Sami, avait été confié à un membre d’une expé­di­tion de Paul-Émile Vic­tor en 1939.

Deux grosses affaires, en moins de vingt-quatre heures, mobi­lisent toute la police locale. Enré­gi­men­tés par le com­mis­saire, Kle­met et Nina com­mencent une enquête qui les fait appro­cher les fon­da­men­ta­listes pro­tes­tants, les indé­pen­dan­tistes Sami tou­jours prêts à reven­di­quer. Ils sont ame­nés à s’intéresser à de vieilles affaires, à poser tant de ques­tions qu’ils sont ren­voyés s’occuper des éle­veurs et de leurs conflits de trou­peaux. Mais peut-on arrê­ter un méca­nisme ainsi mis en branle ? D’autant que les inter­ro­ga­tions se mul­ti­plient : pour­quoi ce tam­bour avait-il été confié à un Fran­çais ? Que vient cher­cher ce géo­logue qui aime trop les très jeunes filles ?

Olivier Truc, pour son pre­mier roman, a choisi un cadre et un décor que, par son métier de jour­na­liste, il fré­quente depuis une ving­taine d’années. Il fait décou­vrir le peuple et la culture Sami, une société très ancienne qu’il a côtoyée lors de nom­breux repor­tages sur la police des rennes en Nor­vège. La com­mu­nauté samie est ins­tal­lée, depuis des siècles, dans le Grand Nord, dans la Lapo­nie cen­trale qu’un décou­page arbi­traire par­tage entre la Nor­vège, la Suède, la Fin­lande et la Rus­sie. Le récit s’appuie sur le quo­ti­dien actuel des des­cen­dants des Lapons ayant vécu une colo­ni­sa­tion et une évan­gé­li­sa­tion mus­clées. L’intégration à la culture domi­nante s’est faite par la vio­lence, avec la mise en œuvre de tous les moyens pour éra­di­quer un mode de société basée sur la tra­di­tion orale, une reli­gion. Les Sami, en tant qu’éleveurs de rennes, vivaient au rythme de la nature et de la trans­hu­mance des trou­peaux. Ils n’ont rien construit de solide, ni laissé de textes fon­da­teurs. L’auteur fait par­ta­ger la vie rude du Grand Nord avec la nuit, la neige. Il raconte la vie des éle­veurs, le trai­te­ment des trou­peaux et les inévi­tables conflits qui peuvent naître avec des bêtes en quasi liberté. Il plante, dans ce décor éton­nant, sur­pre­nant, gla­çant, une intrigue qui trouve ses rami­fi­ca­tions dans le passé, à une époque où les Sami étaient encore libres, non inféo­dés à une société impo­sée, avec des règles et des codes qui étaient les leurs.
Mais Oli­vier Truc conjugue aussi dans Le der­nier Lapon un thril­ler pre­nant, cap­ti­vant et un repor­tage détaillé sur ce peuple, appor­tant nombre de réfé­rences sur son mode de vie, sur sa concep­tion de l’univers, sur son évo­lu­tion sociale et politique.

Dans un style direct, avec une écri­ture clas­sique mais effi­cace, une construc­tion bien maî­tri­sée, le roman­cier raconte le racisme, les sen­ti­ments exa­cer­bés des membres de dif­fé­rentes com­mu­nau­tés. Il se fait lyrique en décri­vant le pays, les cou­tumes, toute la phi­lo­so­phie d’une exis­tence pas­sée à lut­ter contre une nature par­ti­cu­liè­re­ment hos­tile. Il expose, éga­le­ment, les risques encou­rus par ces popu­la­tions, les appé­tits de cer­tains qui veulent exploi­ter le sous-sol et modi­fier radi­ca­le­ment ces der­niers pay­sages sau­vages.
Le der­nier Lapon est un des meilleurs romans de la ren­trée pour le dépay­se­ment com­plet, pour une gale­rie de per­son­nages d’une grande jus­tesse, pour une his­toire riche en rebon­dis­se­ments et habi­le­ment contée. L’auteur semble avoir encore beau­coup de choses à révé­ler sur cette région et les com­mu­nau­tés qui y vivent. On ne peut que l’encourager à conti­nuer à écrire de façon aussi passionnante.

serge per­raud

Oli­vier Truc, Le der­nier Lapon, Métai­lié, coll. “Hors col­lec­tion – Noir”, sep­tembre 2012, 456 p. – 22,00 €.

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