Marc Roche, Diamants, Enquête sur un marché impur

Diamants, coté sombre

En 1931, Albert Londres clôt son enquête sur les pêcheurs de perles en évo­quant cette conver­sa­tion entre lui et son ami Che­rif Ibra­him, qui fer­mait les yeux, à la table d’un grand hôtel de Bagdad

“- Vous faites l’aveugle à pré­sent ?
- Que voyez-vous à la table, en face de nous?
- Un homme et une femme?
- Que porte la femme?
- Rien.
- Au cou?
- Un col­lier de perles.
- C’est pour ne pas voir le col­lier, mon ami, que je ferme les yeux.”

Encore une « voie dou­lou­reuse d’un de vos bon­heurs, mes­dames… » qu’il s’agit d’éclairer main­te­nant, celle d’un autre tré­sor de séduc­tion et d’élégance qui couvre le monde de ses éclats : celle du dia­mant. Comme l’a fait Albert Londres en son temps, il est néces­saire d’ouvrir les yeux et d’aller grat­ter l’étincelant, d’enquêter der­rière les paillettes. C’est ce qu’est allé faire Marc Roche pour écrire ce court ouvrage, aussi clair qu’incisif. Certes, le temps d’Albert Londres n’est plus, les voyages n’ont plus la même consis­tance. Les mailles de la mon­dia­li­sa­tion se sont res­ser­rées et le dia­mant n’a pas échappé au pro­ces­sus. A mar­ché glo­bal, enquête glo­bale.
Ce n’est pas la pre­mière fois que le jour­na­liste, cor­res­pon­dant du Point et du Soir à Londres, s’intéresse aux arcanes de la mon­dia­li­sa­tion. Il a plu­sieurs fois rendu compte de ses enquêtes sur les ins­ti­tu­tions et les grands pou­voirs de la finance qui mènent le monde. De la finance au dia­mant il n’y a qu’un petit pas. Son livre a le mérite de mon­trer com­bien le mar­ché du dia­mant est actuel­le­ment en pleine recomposition.

Des points par­ti­cu­liers étaient connus : la place d’Anvers, les « dia­mants de sang », le poids de l’Afrique du Sud et la puis­sance impé­riale de la De Beers mais ce sys­tème ancien très hié­rar­chisé, quasi mono­po­lis­tique est en train d’être bous­culé par de nou­veaux acteurs, pro­ces­sus et ter­ri­toires du mar­ché mon­dial du dia­mant. Sans que celui-ci ne gagne véri­ta­ble­ment en pureté… morale. L’éternité et la pureté du dia­mant s’accommodent très bien de l’opacité et de la flexi­bi­lité accrues des cir­cuits finan­ciers. De nou­veaux cor­saires se sont lan­cés et de nou­veaux ports s’imposent comme Dubaï et Sin­ga­pour. La De Beers a démé­nagé : son siège social a quitté Londres pour Gabo­rone. Signes d’une nou­velle dis­tri­bu­tion de puis­sance.
Si «  La règle des quatre C (Cut, Color, Cla­rity and Carat) est tra­di­tion­nel­le­ment uti­li­sée pour déter­mi­ner le prix d’un dia­mant »,  alors cet ouvrage consti­tue un appel à y joindre un cin­quième C : celui de la conscience. Conscience d’un monde glo­bal, d’un monde qui change. Face à une Mari­lyn qui chante « Dia­monds are a girls best friend », et face au dia­mant lui-même qui se joue de nos désirs et nos rêves, Marc Roche pro­pose ce livre informé, brut de faits. Pas de conscience sans connaissances.

camille ara­nyossy

 Marc Roche, Dia­mants, enquête sur un mar­ché impur, Edi­tions Taillan­dier, coll. Au fait, Paris, mars 2017, 128 p. — 13,90 €.

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