Andrzej Wolski, Witold Gombrowicz (dvd)

Un por­trait très discret 

Le docu­men­taire d’Andrzej Wolski a été réa­lisé pour la col­lec­tion “Un siècle d’écrivains“, que diri­geait en son temps Ber­nard Rapp. La paru­tion du DVD coïn­cide pra­ti­que­ment avec celle de Kro­nos (éd. Stock), le jour­nal secret de Gom­bro­wicz.
Les ama­teurs connaissent la pro­pen­sion du roman­cier à explo­rer son “moi“ tout en s’en gaus­sant et en se déso­lant de ce qu’il est ou de son vécu ; dans le film, cette ten­dance – pré­sente à tra­vers les cita­tions lues par Andr­zej Sewe­ryn – se conjugue para­doxa­le­ment avec un parti pris de dis­cré­tion, adopté par le réalisateur.

De fait, Wolski a choisi de nous mon­trer sur­tout les lieux où Gom­bro­wicz a vécu. Qu’il agisse de la Pologne, de l’Argentine ou de la France, les décors et les pay­sages occupent dans le docu­men­taire la place qu’auraient pu prendre des témoi­gnages. Cette sur­pre­nante démarche pour­rait lais­ser croire au spec­ta­teur non avisé qu’il était objec­ti­ve­ment impos­sible de trou­ver des témoins de la période argen­tine – idée expli­ci­tée par une cita­tion d’où il res­sort que Gom­bro­wicz n’y aurait fré­quenté que des ano­nymes -, alors que ce n’est pas le cas. De même, s’il est ques­tion, dans le film, de son épouse Rita, tout se passe comme s’il n’était pas envi­sa­geable de s’entretenir avec elle.
Dans le même ordre d’idées, le récit en voix off de la vie de Gom­bro­wicz com­porte des indi­ca­tions frag­men­taires qui res­tent inex­pli­quées et qui pro­duisent fina­le­ment un effet d’incohérence : ainsi, nous appre­nons que l’écrivain se consi­dé­rait comme pra­ti­que­ment inapte à aimer qui­conque, puis qu’il avait des liai­sons homo­sexuelles, et enfin, qu’il s’est épris de celle qu’il allait épou­ser – à défaut de com­men­taire qui fasse le lien entre ces don­nées intimes, le spec­ta­teur ne peut que se conten­ter de ses propres hypo­thèses ou recou­rir à des sources autres que ce documentaire.

Les lacunes du film engendrent une cer­taine frus­tra­tion ; cepen­dant, sa démarche d’ensemble est défen­dable si l’on per­çoit le docu­men­taire de Wolski comme un com­plé­ment des livres de Rita Gom­bro­wicz, et avant tout comme un voyage visuel qui nous per­met de tra­ver­ser des décors qui ont été (du moins pour cer­tains) des sources d’inspiration pour l’écrivain.

agathe de lastyns

Andr­zej Wolski, Witold Gom­bro­wicz, DVD, Doriane Films, décembre 2015, 52 min — 18,00 €.

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