Anne Sophie Cochevelou ou l’âme des choses tues
Partie vivre à Londres, Anne Sophie Cochevelou crée une œuvre où l’aspect performatif est toujours ludique, excentrique, angoissant et impertinent. La créatrice recueille pour les assembler des objets de la culture consumériste de masse et elle les chorégraphie au sein de cultures plus ou moins exogènes. La propension accumulatrice et récupératrice permet à l’œuvre de se poursuivre (cf. ci-contre Indiens vs Cowboys, 2016. Plastron et coiffe © Anthony Lycett ).
Célébrant l’accumulation, récupérant tout ce qui est voué à être jeté une fois utilisé, et grâce à des « Barbie » de Matell ou d’autres poupées, des chutes de textile, l’artiste taille des costumes au réel. Ce qui semble baroque reste d’une grande précision. Tout est travaillé, agencé afin de créer des montages luxuriants et intempestifs et inquiétants. Les choses « qui se sont tues » et égarées retrouvent une âme par détournement en des narrations qui deviennent des anti-fables du monde à travers d’étranges poupées où le vaudou prend la place du jouet par ce qui est déconstruit puis recomposé de manière iconoclaste.
Les ventres comme les cous semblent sortir de leur propre coquille pour accoucher de « monstres » excentrés, excentriques. Surgissent de nouvelles icônes. Elles différencient le travail du deuil et de la mélancolie, et celui de la drôlerie du tragique. La vie se creuse, se mange du dehors comme du dedans. Cela revient à tatouer ce qui nous habite et nous travaille en tant qu’engendreur comme en tant qu’engendré. En conséquence, l’art d’Anne-Sophie Cochevelou demeure fidèle à la condition humaine. Elle en décrypte de manière ludique l’infirmité.
Parce qu’elle est innocemment lucide, l’artiste ose les métamorphoses et les transformations propres à illustrer ce qui nous affecte et nous grignote. De telles « sculptures » votives lient au peu que nous sommes. Elles recréent l’espace qui nous sépare de nous-mêmes. Elles rappellent la vie d’avant le jour et d’avant le langage. Il convient d’y entrer et de nous y débattre comme nous le pouvons.
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jean-paul gavard-perret
Anne-Sophie Cochevelou, Obsolescence déprogrammée, galerie Isabelle Gounod, Paris, jusqu’au 28 mai 2016