Le paysage urbain ou péri-urbain selon Dorian Cohen devient une sentinelle menacée, titubante. Un hiatus s’élargit entre ses éléments même s’il ne convient pas de renoncer aux rapports entre eux. La reconquête de l’artiste s’applique à en faire un cabinet de curiosité pour tenter moins d’y reprendre pied que d’y basculer un peu — comme Godard le proposait dans ses premiers films de Pierrot le fou à Week-end mais ici avec moins de sang. Et pour une raison majeure : il n’existe plus de personnages. La ville est vide, tout semble en disparition.
Pour le montrer, avec astuce, beauté et intelligence, l’artiste utilise des huiles sur bois ou dessins au crayon gris. Le tout en une langue ductile et délicieuse. De la violence ou de la déliquescence surgit l’appel de l’exploration de la société postmoderne. Soumis à la fragmentation, à l’inanité du paysage le « spectacle » devient l’affirmation d’un manque qu’il induit.
Si tout rappelle le silence, un murmure remonte dans un travail visuel de recouvrance et d’anticipation là où pourtant ne surgit que le présent dont ne restent que des images sourdes. Elles ne retranchent rien. Elles ajoutent un chaos doux et poétique, tout en creusant un vide étrange là où une forme de vie fait néanmoins résistance par ce qui arrive : une reprise en main insidieuse de la nature aussi apocalyptique que séduisante.
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jean-paul gavard-perret
Dorian Cohen, Itinere, Fondation Arpac, Montpellier, du 1er au 24 juillet 2016.