Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Le bonheur d’être en vie, de pouvoir me lever, la perspective de la journée qui vient, le désir, de tout ce que je vais pouvoir faire voir lire aimer penser vivre.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ils sont devenus mes rêves d’adulte.
A quoi avez-vous renoncé ?
Je ne sais pas, à plein de choses certainement, mais je ne me situe pas dans le renoncement, je ne pense pas renoncement.
D’où venez-vous ?
D’un jardin, d’une toute petite école où je pouvais apprendre aussi vite que j’en avais envie, de la bibliothèque de mon père.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Une vaisselle en plastique. Je suis particulièrement maladroite…
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Un ? mille…
Qu’est-ce qui vous distingue des autres écrivains ?
Peut-être, si vraiment quelque chose me distingue, alors le fait que je suis médecin. Je crois que le rapport au corps, la science du corps, sont très présents dans mes écrits littéraires.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Mon corps je crois – c’est drôle le lien entre cette réponse et la précédente…
Et votre première lecture ?
La première phrase sur la première page de mon premier cahier d’écolière. « Jean se lève. » Le lendemain : « Il fait sa toilette ». À l’encre, puis au crayon. La première lecture dans laquelle je me suis perdue au point que ma mère devait me rappeler l’existence de ma famille : Les Misérables.
Pourquoi votre attirance pour la littérature du désir ?
Parce que le désir est aussi précieux que la vie. Et qu’il est en danger : manipulé par l’argent (on nous fait désirer des choses) comme par la bien-pensance sociale (désirer l’autre génère l’opprobre). Cultivons le désir, dans le secret de nos jardins et de nos pages… Le désir, magie de l’encore. Le désir est une forme de résistance, de révolution, une manière d’échapper aux normes et aux pouvoirs, et d’affirmer notre individualité.
Quelles musiques écoutez-vous ?
La musique du silence et le vent. Ou alors Gianmaria Testa. Il était garde-barrières. Stabat Mater de Pergolesi.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Oh il y en a beaucoup et cela dépend de l’espace-temps, où je suis, à quel moment … Cesare Pavese, toujours, écriture sèche et poétique, j’aime cette combinaison ; les livres de Pascal Quignard ; Extrême, esthétiques de la limite dépassée, de Paul Ardenne ; et en ce moment j’ai autour de moi Le Film des Questions de Frank Smith ; le Bureau de Tabac de Pessoa, Le Temps scellé de Tarkovsky… Les poètes. J’aime les livres que l’on peut relire par petits bouts, en commençant à n’importe quelle page, pour leur musique.
Quel film vous fait pleurer ?
La vie me fait pleurer, plus que les films.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Moi. Vite fait.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Je crois qu’il n’y a personne à qui je n’oserais écrire, si j’avais l’adresse.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Paris…
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Les artistes avec qui je travaille au quotidien. Ali Kazma et tous les autres. Les écrivains que je vois travailler. Jean-Philippe Rossignol, Ornella Vorpsi.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
J’aimerais rencontrer ce jour-là dans un café ou dans un train quelqu’un que je ne connaisse pas, qui me plaise, et qui serait en train de lire l’un de mes livres.
Que défendez-vous ?
La liberté. La liberté pour tous. « Sauvons la liberté, la liberté sauvera le reste. » La créativité. Le désordre, le chaos créatif. La possibilité d’être au plus près de soi-même. Le hors-cadre.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Pas grand-chose. C’est une formule plus qu’une phrase. L’amour c’est immense. C’est le meilleur de l’humanité.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Oui c’est vrai, quelle était la question ?
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Peut-être après avoir lu mes réponses me rappellerez-vous pour me dire, ah, j’ai oublié, …
Entretien réalisé par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 15 mars 2016.