Jean se lève : entretien avec l’auteure Barbara Polla

Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Le bon­heur d’être en vie, de pou­voir me lever, la pers­pec­tive de la jour­née qui vient, le désir, de tout ce que je vais pou­voir faire voir lire aimer pen­ser vivre.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Ils sont deve­nus mes rêves d’adulte.

A quoi avez-vous renoncé ?
Je ne sais pas, à plein de choses cer­tai­ne­ment, mais je ne me situe pas dans le renon­ce­ment, je ne pense pas renoncement.

D’où venez-vous ?
D’un jar­din, d’une toute petite école où je pou­vais apprendre aussi vite que j’en avais envie, de la biblio­thèque de mon père.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
Une vais­selle en plas­tique. Je suis par­ti­cu­liè­re­ment maladroite…

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Un ? mille…

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres écri­vains ?
Peut-être, si vrai­ment quelque chose me dis­tingue, alors le fait que je suis méde­cin. Je crois que le rap­port au corps, la science du corps, sont très pré­sents dans mes écrits littéraires.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
Mon corps je crois – c’est drôle le lien entre cette réponse et la précédente…

Et votre pre­mière lec­ture ?
La pre­mière phrase sur la pre­mière page de mon pre­mier cahier d’écolière. « Jean se lève. » Le len­de­main : « Il fait sa toi­lette ». À l’encre, puis au crayon. La pre­mière lec­ture dans laquelle je me suis per­due au point que ma mère devait me rap­pe­ler l’existence de ma famille : Les Misérables.

Pour­quoi votre atti­rance pour la lit­té­ra­ture du désir ?
Parce que le désir est aussi pré­cieux que la vie. Et qu’il est en dan­ger : mani­pulé par l’argent (on nous fait dési­rer des choses) comme par la bien-pensance sociale (dési­rer l’autre génère l’opprobre). Culti­vons le désir, dans le secret de nos jar­dins et de nos pages… Le désir, magie de l’encore. Le désir est une forme de résis­tance, de révo­lu­tion, une manière d’échapper aux normes et aux pou­voirs, et d’affirmer notre individualité.

Quelles musiques écoutez-vous ?
La musique du silence et le vent. Ou alors Gian­ma­ria Testa. Il était garde-barrières. Sta­bat Mater de Pergolesi.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
Oh il y en a beau­coup et cela dépend de l’espace-temps, où je suis, à quel moment … Cesare Pavese, tou­jours, écri­ture sèche et poé­tique, j’aime cette com­bi­nai­son ; les livres de Pas­cal Qui­gnard ; Extrême, esthé­tiques de la limite dépas­sée, de Paul Ardenne ; et en ce moment j’ai autour de moi Le Film des Ques­tions de Frank Smith ; le Bureau de Tabac de Pes­soa, Le Temps scellé de Tar­kovsky… Les poètes. J’aime les livres que l’on peut relire par petits bouts, en com­men­çant à n’importe quelle page, pour leur musique.

Quel film vous fait pleu­rer ?
La vie me fait pleu­rer, plus que les films.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Moi. Vite fait.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Je crois qu’il n’y a per­sonne à qui je n’oserais écrire, si j’avais l’adresse.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Paris…

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Les artistes avec qui je tra­vaille au quo­ti­dien. Ali Kazma et tous les autres. Les écri­vains que je vois tra­vailler. Jean-Philippe Ros­si­gnol, Ornella Vorpsi.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
J’aimerais ren­con­trer ce jour-là dans un café ou dans un train quelqu’un que je ne connaisse pas, qui me plaise, et qui serait en train de lire l’un de mes livres.

Que défendez-vous ?
La liberté. La liberté pour tous. « Sau­vons la liberté, la liberté sau­vera le reste. » La créa­ti­vité. Le désordre, le chaos créa­tif. La pos­si­bi­lité d’être au plus près de soi-même. Le hors-cadre.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Pas grand-chose. C’est une for­mule plus qu’une phrase. L’amour c’est immense. C’est le meilleur de l’humanité.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
Oui c’est vrai, quelle était la question ?

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Peut-être après avoir lu mes réponses me rappellerez-vous pour me dire, ah, j’ai oublié, …

Entre­tien réa­lisé par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 15 mars 2016.

Leave a Comment

Filed under Entretiens, Erotisme, Romans

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>