Jean-Jacques Reboux, Castro, c’est trop !

Jean-Jacques Reboux revient sur Cas­tro, c’est trop !, 152e épi­sode du Poulpe.

Jean-Jacques, en avril 2004 est sorti au Seuil une nou­velle aven­ture de Gabriel Lecou­vreur alias Le Poulpe. As-tu une idée du nombre de ses aven­tures ? En clair, c’est le com­bien­tième épi­sode du jus­ti­cier qua­dra­gé­naire soli­taire et gau­chiste ?
Jean-Jacques Reboux :
Ce Poulpe porte le numéro 249 mais à vue de pif, comme Baleine mélan­geait les trois col­lec­tions au début (Poulpe, Ins­tan­ta­nés de polar, Canaille), ça doit faire dans les 160, 170, je crois.

152 épi­sodes. Impres­sion­nant, non ? Plus qu’Arsène Lupin, Rou­le­ta­bille, Her­cule Poi­rot, Miss Marple, Nes­tor Burma et Sher­lock Holmes réunis. Le prin­cipe était un épi­sode, un auteur. Or, il n’y a que 147 auteurs ou groupes d’auteurs. Trois ont dérogé à la règle, dont deux à l’époque où Jean-Bernard Pouy cha­peau­tait encore la col­lec­tion. Didier Dae­nin­ckx (Nazis dans le métro et Ethique en toc) et… toi ! J’ajoute que tu es le seul à n’avoir, pas seule­ment réci­divé mais re-récidivé (La Cerise sur le gâteux, Par­kin­son le glas sous le pseudo de Gabriel Lecou­vreur et Cas­tro, c’est trop !), si je peux dire. Pour­quoi ?
Parce que j’aime bien bra­ver les inter­dits ! Mais il y une petite erreur : Dae­nin­ckx a aussi écrit un troi­sième Poulpe (La route du rom). À la dif­fé­rence de Didier, j’ai envoyé Par­kin­son le glas sous pseudo, et Pouy n’a appris qu’au bout d’un an et demi qui se cachait der­rière ce pseudo impro­bable, à la suite d’un jeu de piste rocam­bo­lesque. Je m’étais débrouillé avec une copine pos­tière à Paris Gon­court (le bureau de Lecou­vreur dans la bible) qui rele­vait en douce le cour­rier envoyé à Lecou­vreur en Poste res­tante (sans bien évi­dem­ment pro­duire la pièce d’identité obli­ga­toire). Les cir­cons­tances dans les­quelles j’ai écrit ce troi­sième Poulpe ? Top secret. Une sorte de pacte avec le diable. La rai­son pour laquelle j’ai accepté ? J’aime bien ce per­son­nage du Poulpe, et même s’il a été (par­fois à juste titre) sou­vent décrié, je trouve qu’il manque dans le paysage.

N’est-ce pas aller à l’encontre de la volonté de Jean-Bernard Pouy, créa­teur du per­son­nage et de la bible qui l’accompagne ?
Tota­le­ment, mais, mal­gré tout le res­pect que je dois à Jean-Bernard Pouy, les bibles sont faites pour être lues, mais aussi pour être trans­gres­sées. À force d’accompagner Pouy dans les débats hou­blon­neux, les pre­mières années du Poulpe, et de l’entendre dire “un jour, il y en aura un qui m’en fera un deuxième !”, je me suis pris au jeu et j’ai écrit Par­kin­son le glas, avec le risque, évi­dem­ment, qu’il ne paraisse jamais car Pouy était très soup­çon­neux et un tan­ti­net parano, il avait la trouille que des gens “pas nets” s’infiltrent dans Le Poulpe. Il ne se dou­tait pas un ins­tant que c’était moi, évi­dem­ment. Il pen­chait même pour quelqu’un de la télé, étant donné que Bruno Masure (l’ex-présentateur du J.T., pour ceux qui seraient nés à la fin du siècle) était un des per­son­nages du bouquin.

Tuer Pedro, scel­ler la rup­ture avec Che­ryl, fâcher Gabriel et l’ensemble de la com­mu­nauté du Pied de porc à la Sainte-Scolasse, n’est-ce pas, aussi, une façon de consom­mer le divorce du Poulpe d’avec son créa­teur et son édi­teur pre­mier (Antoine de Ker­ver­sau) ?
Non, non, ça n’a rien à voir avec tout ça. J’ai tué Pedro car j’avais besoin d’un Poulpe tota­le­ment vidé de sa sub­stance pour les besoins de mon his­toire, d’en faire un être à l’abandon. Déjà, dans Par­kin­son le glas, ça m’avait amusé de le mal­me­ner en lui inven­tant un fis­ton, entre autres. Si j’avais écrit ce Poulpe du temps de Baleine (sous un second pseudo, donc), j’aurais fait de même, je crois.

Com­ment en es-tu arrivé à faire voya­ger le Poulpe jusqu’à un pays si éloi­gné que, fina­le­ment, c’est… l’endroit où il a été conçu ?
J’ai passé un mois à Cuba pen­dant l’été 2003, suite à l’obtention d’une bourse Sten­dhal du minis­tère des Affaires étran­gères. Il me fal­lait donc écrire par la suite un livre ayant pour cadre Cuba. Quitte à écrire une intrigue tota­le­ment impro­bable, il était ten­tant d’imaginer que ce voyage sous les Tro­piques était pour le Poulpe un retour aux sources. Dans Par­kin­son le glas, je lui fai­sais retrou­ver son fils dans une petite île (Belle-Ile), lui faire retrou­ver son père dans la grande île qu’est Cuba était ten­tant. L’oiseau migra­teur qui tra­verse la moi­tié de la pla­nète pour reve­nir sur son lieu de concep­tion, c’est un peu ça, l’idée.

L’idée de mettre dans Le Poulpe un per­son­nage aussi emblé­ma­tique que Fidel Cas­tro t’a for­cé­ment plu. Tu arrives à nous pré­sen­ter un per­son­nage… pré­sen­table qui aurait été, à l’instar d’un Ben Laden ou d’un Sad­dam Hus­sein — toutes pro­por­tions gar­dées bien entendu –entiè­re­ment dia­bo­lisé par les États-Unis. Est-ce que par hasard, ce n’est pas un moyen de TE pré­sen­ter à Fidel ? Lors de ton séjour à Cuba, n’aurais-tu pas aimé le ren­con­trer ?
Dès que j’ai décidé de situer mon Poulpe à Cuba, j’ai su que j’y met­trais Fidel Cas­tro. Je ne sais pas quelle aurait été ma réac­tion si on m’avait pré­senté à lui. Ça doit faire un sacré effet de se retrou­ver face à un tel monu­ment ! Le seul endroit où j’aurais pu le ren­con­trer, c’était le raout du 14 juillet 2003 à l’Ambassade de France, mais il n’est pas venu, fâché par l’invitation faite par la France aux dis­si­dents cubains, et de toute façon, bien qu’étant pré­sent à La Havane à cette date, je n’ai pas été auto­risé à assis­ter à cette soi­rée, soi-disant pour des pro­blèmes de “sécurité”.

Est-ce que Fidel ne stig­ma­tise pas tout ce que serait un Gabriel Lecou­vreur s’il arri­vait au pou­voir ? Un être débor­dant d’idéaux et dépassé par les évé­ne­ments incon­trô­lables et incon­tour­nables comme toute per­sonne accé­dant aux arcanes du pou­voir ? Idée qui a été reprise par Jean-Paul Sartre dans L’Engrenage ?
Je ne crois pas. De toute façon, un type comme Gabriel Lecou­vreur n’a aucune chance d’exister dans la réa­lité, c’est un être de fic­tion pure. S’il exis­tait dans la réa­lité, il n’aurait aucune chance de sur­vivre bien long­temps, et quand bien même vivrait-il une aven­ture du type de celle (tota­le­ment abra­ca­da­brante) que je lui fais vivre à Cuba, je vois mal un gars comme Lecou­vreur se lais­ser pié­ger par le pou­voir et ne pas fuir devant cette “chose”. Cela dit, l’idée que tout être confronté au pou­voir est for­cé­ment dépassé et cor­rompu par cet hydre mal­fai­sant est évi­dem­ment sédui­sante, et on peut la véri­fier tous les jours quand on voit ce que sont deve­nus cer­tains ex-soixante-huitards. Je pense notam­ment à Cohn-Bendit, qui pérore chez Seillière et n’est pas cho­qué qu’un type comme Ber­lus­coni ait pu être pen­dant six mois à la tête de l’Union euro­péenne. Cohn-Bendit ministre de Sar­kozy ? Ça ne m’étonnerait pas du tout ! Mais on s’éloigne un peu du Poulpe, là.

On ne peut se méprendre sur l’identité de Moritz Dante. Ne règles-tu pas sur la place publique un dif­fé­rend plus per­son­nel ? Ce serait, à mon sens, une pre­mière dans Le Poulpe… Si tu avais occulté ce pas­sage, tout empreint de diva­ga­tions aussi abra­ca­da­brantes les unes que les autres, tu aurais réussi à nous — excuse-moi du terme — éco­no­mi­ser une tren­taine de pages de lec­ture. Dans Cas­tro, c’est trop !, celui qui n’a pas visité Cuba se laisse ber­cer par l’atmosphère de l’île et se retrouve bru­ta­le­ment réveillé par ce sau­grenu indi­vidu qui joue aux mani­pu­la­teurs mani­pu­lés. Je trouve qu’il tranche un peu trop dans le pay­sage.
Moritz Dante est arrivé un peu par hasard dans l’histoire. Au début du livre, Lecou­vreur lit sur un mur l’inscription “Libé­rez Bat­tisti !”, sous laquelle quelqu’un a ajouté rageu­se­ment “Enfer­mez Dan­tec !” Ce deuxième slo­gan n’est venu qu’après, et encore, ce n’est même pas moi qui en ai eu l’idée ! En revanche, ça m’a beau­coup amusé, par la suite, de char­ger la barque et de faire de Dante un per­son­nage aussi cari­ca­tu­ral (mais le Dante du roman l’est-il vrai­ment plus que notre Dan­tec à nous ? Je n’en suis pas cer­tain.). Non, je n’ai stric­te­ment aucun dif­fé­rend per­son­nel à régler avec Mau­rice Dan­tec, n’ayant jamais eu le moindre pro­blème avec lui. Oui, Moritz Dante tranche un peu dans le pay­sage cubain du roman, mais tranche-t-il vrai­ment plus que les péro­rai­sons aux­quelles il nous a habi­tués ces der­nières années, ampli­fiées par des jour­na­listes fran­çais inca­pables de faire la dif­fé­rence entre un intel­lec­tuel avisé et un agi­ta­teur agité du bocal ? Je ne le pense pas. Mau­rice Dan­tec, écri­vain bourré de talent, est devenu une telle bour­sou­flure d’ego, ses logor­rhées enflam­mées sont une telle bouillie de mots qu’il faut vrai­ment soit être extrê­me­ment intel­li­gent, omni­scient — ce qui n’est pas mon cas -, soit faci­le­ment impres­sion­nable pour com­prendre ne serait-ce qu’un dixième de ce qu’il raconte dans ses inter­views dont les accents de gou­rou sont fran­che­ment déplai­sants. Je ne parle pas de son der­nier roman, que je n’ai pas lu et n’ai aucune envie de lire, mais de ses innom­brables décla­ra­tions. Pour ma part, je trouve ça déso­lant que per­sonne n’ait eu la pré­sence d’esprit (le cou­rage ? le bon sens ?) de lui dire “arrête ton char, Mau­rice !”, à part quelques-uns comme Pierre Mar­celle dans Libé­ra­tion. Mais fort heu­reu­se­ment (me semble-t-il), les médias fran­çais qui l’ont porté au pinacle com­mencent à se rendre compte les uns après les autres que ce type est vrai­ment un zozo, un gou­rou subal­terne qui, à force d’avoir un avis sur tout et n’importe quoi, de dire tout et son contraire, de rame­ner sa science sur tous les sujets de société ima­gi­nables, de géo­po­li­tique, est capable, avec ses théo­ries à la noix, ses rac­cour­cis sur la schi­zo­phré­nie, son bagout insensé, sa capa­cité incroyable à ali­gner les perles et les sub­stan­tifs, etc., est capable, disais-je, de faire croire à de pauvres gugusses pri­vés de tout sens cri­tique qu’il est un génie, que dis-je, Le génie ! Quant au dolo­risme dans lequel il aime à se dra­per par rap­port à son pré­tendu “exil” au Canada, le fait que l’Europe soit fou­tue (ah, bon le Qué­bec n’est pas foutu, lui ?), on se demande bien qui ça ne fait pas écla­ter de rire. Mais la bau­druche se dégonfle, il était temps ! Quant à ceux qui auraient la ten­ta­tion de me repro­cher d’avoir poussé la barque un peu loin en en fai­sant un com­plice du dic­ta­teur Cas­tro, je leur répon­drai sim­ple­ment que, parmi toutes ses cas­quettes, il en est une qui sied par­ti­cu­liè­re­ment bien à sa (grosse) tête, c’est celle de facho pur jus. J’assume tota­le­ment la mau­vaise foi que j’ai glis­sée dans la des­crip­tion du per­son­nage, et je ter­mi­ne­rai le tour de la ques­tion en ajou­tant que je me dois de remer­cier Dan­tec car la ving­taine de pages où il appa­raît dans Cas­tro, c’est trop ! (celles qui te semblent un peu longues) m’ont vrai­ment bien éclaté ! Et je trouve, moi, qu’elles per­mettent une res­pi­ra­tion au roman, en ce sens qu’elles per­mettent au lec­teur de décom­pres­ser un peu, dans cet uni­vers oppres­sant qu’est la société cubaine.

Cas­tro, c’est trop ! n’a sûre­ment pas eu le même écho chez les pro-Castro, les purs sta­li­niens… Qu’en as-tu retiré de bien, comme sûre­ment, de mal ? Tu t’y atten­dais ? Tu as fais une signa­ture pen­dant la Fête de l’Huma. J’imagine que l’accueil a été, sinon cha­leu­reux, du moins chaud !?
Les édi­tions du Seuil ne rece­vant plus les articles de presse concer­nant Baleine et Le Poulpe, j’ignore com­ment Cas­tro, c’est trop ! a été accueilli, à part les quelques articles com­mu­ni­qués direc­te­ment par les cri­tiques, plu­tôt sym­pas. En revanche, sur Inter­net, j’ai eu quelques réac­tions, toutes néga­tives, qu’elles émanent des anti-castristes ou des pro-castristes. Com­men­çons par les pre­miers. Sur son site cuban­trip, le jour­na­liste Oli­vier Lan­gue­pin, pré­tex­tant une erreur impar­don­nable de ma part, due à une grosse grosse fatigue (je cite Leo­nardo Padura, auteur de polars vivant à La Havane, au lieu de Héberto Padilla, poète cubain per­sé­cuté par les auto­ri­tés cubaines dans les années 70 !) s’est livré à une des­truc­tion en règle de Cas­tro, c’est trop !, dans un rac­courci de mau­vaise foi assez for­tiche, en pré­ten­dant que mon livre était bourré d’erreurs aussi mons­trueuses que celle que je viens de citer, ajou­tant que je mépri­sais le peuple cubain en lui fai­sant par­ler un très mau­vais espa­gnol ! Sidéré par ses argu­ments aussi “béton” et dési­reux de savoir quel genre d’erreurs j’avais bien pu faire, j’ai contacté ce mon­sieur Lan­gue­pin, qui a fini par m’avouer que mon bou­quin lui était tombé des mains et qu’il ne l’avait pas ter­miné ! Dans le même camp des “anti-castristes”, j’ai été éga­le­ment très sur­pris par la réac­tion de l’auteur de la der­nière bio­gra­phie de Cas­tro, Serge Raffy, qui m’a fait un caca ner­veux assez sérieux et est allé jusqu’à m’interdire de citer son nom et le titre de sa bio, au motif que je le fai­sais inter­ve­nir dans mon roman (dans la bouche de Cas­tro, qui lais­sait échap­per un fiel­leux « ce chien de Raffy ! »). Dans un pre­mier temps, j’en ai conclu que ce mon­sieur Raffy man­quait un peu d’humour, mais ces deux exemples m’ont un temps amené à tenir le rai­son­ne­ment sui­vant : il sem­ble­rait que pour cer­tains jour­na­listes, le per­son­nage de Fidel Cas­tro soit une sorte de “chasse gar­dée” réser­vée aux jour­na­listes “sérieux”. Qu’un obs­cur écri­vain, auteur de polar et par­lant de sur­croît très mal l’espagnol, com­mette un ouvrage de fic­tion avec Fidel Cas­tro, ça n’est pas du tout de leur goût !
Les pro-castristes, à pré­sent. Là, c’est la curée ! Les défen­seurs du “régime cas­triste” (ils détestent qu’on uti­lise cette expres­sion) ont une concep­tion un peu mani­chéenne de l’Histoire. Pour eux, le seul res­pon­sable des mal­heurs du peuple cubain est le blo­cus éta­su­nien. L’un de ces ardents défen­seurs de Cas­tro a même été à deux doigts de se deman­der si je n’avais pas été un petit peu mani­pulé par une offi­cine qu’ils sus­pectent d’être mani­pu­lée par la CIA (Repor­ters sans fron­tière), tout ça parce que j’avais eu le mau­vais goût de signa­ler en exergue de mon roman deux sites Inter­net : celui d’une orga­ni­sa­tion de Cubains exi­lés à Miami qui repre­nait un texte de Manuel Vaz­quez Por­tal, l’un des 75 dis­si­dents empri­son­nés en mars 2003 par Cas­tro ; et celui de Repor­ters sans fron­tières, dont le pré­sident, Robert Ménard, est leur bête noire, au motif que RSF met la prio­rité sur les régimes poli­tiques “poin­tés ” par les États-Unis, comme Cuba, le Vene­zuela (ce que je ne conteste pas, mais c’est un autre pro­blème).
Quant à la Fête de l’Humanité, j’y étais invité cette année en tant qu’auteur de l’ouvrage col­lec­tif 36 nou­velles pour l’Humanité ini­tié par Roger Mar­tin. J’aime bien signer à la Fête de l’Huma parce qu’on y ren­contre une den­sité incroyable de lec­teurs très dif­fé­rents et extrê­me­ment atten­tifs, et que toute cette cha­leur humaine, n’est-ce pas, ça fait du bien. Mais cette année, ça a été un fes­ti­val. D’abord, j’ai eu la désa­gréable sur­prise de consta­ter que Cas­tro, c’est trop ! avait mys­té­rieu­se­ment dis­paru de la liste de mes romans. Comme l’organisation du vil­lage du livre de la Fête de l’Huma ne laisse rien au hasard, et même si je n’ai pas de preuves, je fré­mis à l’idée qu’une main secou­rable a rayé Cas­tro, c’est trop ! de la liste de mes romans, au motif, sans doute, que cela pou­vait contra­rier le roman­tisme éche­velé de cer­tains vieux sta­li­niens de base trop sen­sibles ! Ça ne m’a pas empê­ché de m’en prendre plein les dents par cer­tains lec­teurs qui l’avaient lu, très remon­tés contre mon “por­trait à charge” de Cuba. Mais moi, dans mon roman, je ne fais que racon­ter ce que j’ai vu ! Pour ces gens-là, Cas­tro est une icône, un exemple, on n’a pas le droit d’y tou­cher (et encore moins de le faire mou­rir, comme je l’ai fait). Écrire contre Cas­tro, c’est tout sim­ple­ment être “poli­ti­que­ment cor­rect”. L’un des exemples qui revient le plus sou­vent dans leur argu­men­taire est le sui­vant : à Cuba, le pre­mier des droits de l’Homme, qui est le droit à la vie, est res­pecté ; contrai­re­ment à beau­coup de pays d’Amérique latine qui ne vivent pour­tant plus sous une dic­ta­ture, les enfants cubains ne sont pas vic­times d’escadrons de la mort, à Cuba, il n’y a pas de bidon­villes, la mor­ta­lité infan­tile est faible. Et alors ? Est-ce une rai­son pour défendre bec et ongles ce régime ? Et le reste ? Le fait que Cas­tro s’accroche au pou­voir, que le pou­voir ait à ce point per­verti sa rai­son, qu’il refuse de se pré­sen­ter devant le suf­frage uni­ver­sel, qu’il empri­sonne les dis­si­dents, qu’il se foute comme de sa pre­mière guaya­bera de ses com­pa­triotes qui ne veulent plus de “sa” révo­lu­tion… etc., tout ça ne les gêne abso­lu­ment pas. La cris­pa­tion par rap­port à Cas­tro me sidère, je trouve ça pathé­tique d’être à ce point aussi peu ouvert au dia­logue. Et quand on sait que parmi leurs porte-étendards figure un type aussi altruiste que Wolinski, qui n’hésite pas, pen­dant ses vacances à La Réunion, à se sacri­fier pour dîner avec Chi­rac, on a vrai­ment envie de rigoler !

   
 

Pro­pos recueillis par j. vedrenne par mails entre le 5 et le 15 octobre 2004.

 
     
 

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