Stephanie-Lucie Mathern l’intransigeante – entretien avec l’artiste
Stéphanie-Lucie Mathern ne transige pas. Elle fonce. Mais il ne faut pas la prendre pour une fantasque même si ses créations pourraient faire penser le contraire. Mais à bien les regarder, ce n’est pas si simple. S’y cache toute une stratégie de survie même si la plasticienne ne donne jamais de leçons. A chacun de comprendre la charge de dérision, d’opposition, de désenchantement que son bestiaire humain scénarise. La bête crée une incursion viscérale dans l’intimité humaine et prend une force incisive.
Les couleurs tranchées et vives épinglent les paroles comme des papillons. Stéphanie-Lucie Mathern ressemble à une entomologiste portraitiste. Elle manie le paradoxe avec dextérité. Ses images n’annoncent pas forcément une libération mais une révélation de la nature de l’être. La créatrice l’appréhende dans toutes ses contradictions, entre l’ange et la bête, afin de tenter de construire une nouvelle identité. Au lieu de passer de l’une en faveur de l’autre, elle s’attache à réconcilier les deux selon des assemblages qui sont comme chacun de nous. Approximatifs sauf à nous croire des saint(e)s.
Anne-Stéphanie Mathern : Galerie Bertrand Gillig, Strabourg.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’envie d’écouter un morceau.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Des caprices.
A quoi avez-vous renoncé ?
A expliquer.
D’où venez-vous ?
D’une frontière.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Un certain don du clash.
Un petit plaisir – quotidien ou non ?
Le pain et les dictionnaires.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Ma culture aristocratique.
Comment définiriez-vous votre approche du bestiaire humain ?
Elle forme un couple parfait avec ma fascination pour la laideur.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Les taches de rouille sur le mur voisin.
Et votre première lecture ?
Montherlant, les carnets.
Quelles musiques écoutez-vous ?
De Luzifers Abschied de Stockhausen à Neubauten en passant par l’italo disco et la synth pop. Une préférence pour le froid.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Le culte du moi.
Quel film vous fait pleurer ?
« Her » de Spike Jonze, l’extrême solitude.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une star du cinéma muet.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A Karl Lagerfeld pour lui dire de citer autre chose que Paul Klee.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Baden-Baden
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Baselitz, Paul Morand, Martin Margiela.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Des lettres et une robe-imperméable en cuir Hermès.
Que défendez-vous ?
Une certaine pudeur.
Que vous inspire la phrase de Lacan : « L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas »?
Un bon slogan pour un fleuriste.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : « La réponse est oui mais quelle était la question ? »
Nietzschéenne.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
«Ce qu’il y a toujours dans mon frigo »
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 5 novembre 2018.