Stéphane Lambert, Nicolas de Staël, la peinture comme un feu

Stéphane Lambert, Nicolas de Staël, la peinture comme un feu

Le désastre et l’absolu

La monographie de Stéphane Lambert est vertigineuse comme l’homme et l’œuvre de son sujet. L’auteur nous entraîne dans une aventure singulière dont l’écriture et les connaissances ouvrent le secret de de Staël. Stéphane Lambert tisse une véritable création de la création.
Il a déjà proposé romans, livres d’art, des essais, autobiographies, articles mais ici, fuyant une distance qui pourrait s’accepter au risque de se brûler, il propose une proximité propre aux tableaux et à l’homme que l’on retrouve pour comprendre, et par exemple, ce qui s’est passé entre ses derniers mois et ses œuvres.

La fluidité du corpus comme l’abondance des illustrations imposent en conséquence les deux variables parfaitement constantes d’une réflexion quasiment religieuse, existentielle et esthétique.  C’est un peu comme si Lambert avait été traumatisé par les embranchements d’une telle vie (et son rôle amoureux) et de ses travaux.
D’une certaine manière, de Staël effraie son hagiographe. Il confronte à la réalité (comme Lacan affirma qu’elle n’est « jamais la bonne ») en ses détails – des paysages aux portraits. Mais demeure aussi ce qu’un titre de Pascal Quignard appelle Le sexe et l’effroi mais aussi un sacré dans une recherche d’absolu face à la source de l’angoisse du créateur capable de vitesse de son exécution plastique jugée parfois violente.

Les formes de de Staël confrontent à une beauté inattendue, fascinante et  impossible à connaître ailleurs. Existent donc le vertige et le feu animés par l’auteur à son sujet. La mort paraît être le point de départ de cette création qui finalement ose, mais « justement pour pouvoir mourir. »
Souvent, les illusions du peintre sont derrière lui. Mais sa figuration mixe réel et peinture en un point de convergence et de fusion là, où se concentrent  l’essence et la complexité de l’artiste  d’une œuvre aux miroirs paroxysmique du monde.

Sondant l’œuvre de de Staël, l’auteur crée la profonde généalogie d’un tel « héros » romantique à sa manière et qui finit au bord de l’abîme dont il surgit mais dont une sorte de peinture du désastre est devenue la possibilité nécessaire de créer son contrepoint extraordinaire.

jean-paul gavard-perret

Stéphane Lambert, Nicolas de Staël, la peinture comme un feu, Gallimard, 2023, 240 p. – 42,00 €.

One thought on “Stéphane Lambert, Nicolas de Staël, la peinture comme un feu

  1. JPGP souligne la fusion exceptionnelle de Stéphane Lambert et Nicolas de Staël :  » Une réflexion quasiment religieuse , existentielle et esthétique  » . Le Prince foudroyé par sa peinture comme un feu rejoint les Dieux .

Laisser un commentaire