Sandrine Collette, Madelaine avant l’aube

Sandrine Collette, Madelaine avant l’aube

« Une fille de faim »

Le dernier roman de Sandrine Collette tient peut-être du vieux conte sans attache historique définie, ni lieux repérables avec ses personnages de gueux et de seigneurs violeurs, cavaliers et chasseurs. Il pourrait être aussi la chronique d’une communauté paysanne, vivant loin de tout, travaillant la terre, la forêt, au fil des saisons.
Ou encore une fable animalière puisque, pendant deux parties du récit, c’est le chien Bran qui se fait narrateur de la vie des hommes, jusqu’à sa mort. Enfin, l’épigraphe inaugurale en latin « qui es in caelis », un noster pater allusif, pourrait annoncer une prière adressée à la douleur et au salut.

Un prologue introduit le malheur à venir (partie quatre). Le roman tend son action vers cette montée des désastres qui accablent les personnages. Il y la vieille Rose, guérisseuse du hameau, les jumelles Ambre et Aelis, leurs époux, le savetier ivrogne, Léon et Eugène le valeureux, les trois garçons : Germain, Artaud et Mayeul. Les seigneurs du château, les Ambroisie père et fils ont droit de cuissage sur les filles de la contrée et asservissent les villageois.

Madelaine viendra bouleverser l’ordre féodal, elle la petite sauvageonne, affamée, adoptée par la famille des Montées. Elle se rebelle jusqu’à tuer le fils Ambroisie, violeur fou. Elle sera la seule à prendre la fuite et à se sauver.
Ce qui fait la force de ce roman court, c’est la belle écriture du monde de la terre, des froidures terribles qui anéantissent les espoirs de récolte, du monde des bêtes nourricières, des chevaux que connaît si bien Sandrine Collette.

Étrangeté de ce monde si loin du nôtre désormais. Les paysans ont déserté largement les campagnes et notre imaginaire poétique. Madelaine avant l’aube nous embarque dans les contrées perdues de Bucoliques âpres et sanglantes.
Le roman a été récompensé par le Prix Goncourt des lycéens 2024.

marie du crest

Sandrine Collette , Madelaine avant l’aube, éditions JC Lattes, 2024, 250 p. – 20,00 €.

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