Romain Gary, Lettres à Sigurd. 1937-1944

Romain Gary, Lettres à Sigurd. 1937-1944

Sigurd Norberg fut l’un des camarades de jeunesse de Romain Kacew, futur Romain Gary. Les deux garçons se lièrent sur les bancs du lycée de Nice en 1928, l’un venu de Suède, l’autre de Pologne. Sigurd fut le témoin privilégié des années de formation de Romain Gary (retracées dans La Promesse de l’aube) avec la liberté et l’humanité facétieuse de l’auteur. Il s’efforce déjà ici de reconstituer « sa toile de fond » encore première mais où se perçoit sa solitude.

Reparti à Stockholm pour y suivre ses études supérieures, Sigurd ne coupa pas les ponts avec son ami. Les lettres que lui adressait alors Romain Gary attestent leur grande proximité, alternant les plaisanteries potaches, les confidences, l’évocation de projets et les allusions à la menace que faisaient alors peser sur le monde libre les manœuvres du « sieur Hitler, l’anti-homme ». Et Gary de rappeler ici que, pour la liberté du monde à venir, ne demeure nulle contradiction à ce qu’il pense « c’est pour des prunes » . Et de préciser: « tout est poussières, pays, hommes, destinées. Tout cela s’éparpille, s’enfle, s’éparpille encore, creuse et culbute. L’esprit de l’homme ne trouvera plus sa pâture » et « les girouettes elles-mêmes sont emportées ».

Par ces lettres à son « vieux con » , s’esquisse le portrait inédit du futur écrivain. Il confirme par anticipation et en toute spontanéité sa haute conception de l’amitié, la fermeté et la précocité de ses engagements et le secours qu’apportent à sa mélancolie le sentiment amoureux, l’humour et, déjà et surtout, la littérature face à ce qui gâche la vie. Cela grâce à la présence de ce seul ami dont hors de lui les chiens l’ont déçu, « sans parler des chats », ajoute-t-il.

Romain Gary, Lettres à Sigurd. 1937-1944, Gallimard, 2025, 144 p. – 14,00 €.

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