Ken Broeders, Le Souffle du diable
Les conséquences d’une catastrophe lointaine…
Le dimanche 8 juin 1783, Laki, un volcan islandais commence la pire éruption des mille dernières années. Une crevasse de plusieurs kilomètres va vomir des nuages de gaz hautement toxiques, composés, entre autres, de vapeurs sulfureuses. S’ils ravagent le pays, ils envahissent le ciel et se répandent sur l’Europe de l’Ouest. Cette brume dense et opaque entraîne un dessèchement des cultures et provoque la mort d’un grand nombre d’humains et d’animaux.
En 1783, Madeleine mène son auberge avec autorité, secondée par Jean, son mari. Elle se montre tyrannique envers Benjamin, son demi-frère, d’origine indienne. Elle rêve de transformer la taverne miteuse tenue par Jean. Elle a déjà fait beaucoup pour la modifier et l’établissement acquiert une bonne réputation. Mais, elle voudrait en faire une étape incontournable pour les voyageurs fortunés.
C’est Benjamin qui, le premier, constate un phénomène étrange. Les étoiles qu’il aime observer s’éteignent peu à peu. Un brouillard nauséabond s’installe durablement. Plus personne ne voyage et les rumeurs les plus folles circulent. Jean décide d’aller mobiliser les autorités laissant Madeleine et Benjamin seuls dans l’auberge…
Avec ce récit appuyé sur des faits réels, Ken Broeders propose une affaire attrayante, mêlant Histoire, croyances populaires, avec toutes les dérives possibles, et une situation qui existe encore de façon persistante aujourd’hui. Il compose une galerie de personnages en rapport avec le contexte et met en scène deux protagonistes principaux qui portent le récit. Madeleine est une femme déterminée qui veut réussir dans son domaine professionnel. Benjamin est un jeune garçon ayant perdu ses racines. Une certaine tension s’est installée entre eux.
L’arrivée de ce nuage toxique qui met à mal les récoltes, les bêtes et les gens, contrecarre l’ambition de cette jeune femme. L’auteur ajoute à ce cadre déjà anxiogène une dimension qui transforme un huis clos en récit oppressant. Les superstitions vont bon train dans une pareille situation. À cette époque la méconnaissance de l’environnement, même assez proche, menait à toutes sortes d’interprétations. De plus, la religion imposait un couvercle de plomb sur des avancées scientifiques. Tout venait du divin ou de son ennemi.
Le graphisme est de Ken Broeders, qui assure dessin et couleurs. Son trait est léger, précis, presque charnel mais parfaitement expressif. Il donne des vues réalistes tant pour les personnages que les décors. Sa mise en couleurs met en valeur cette atmosphère étouffante, faisant ressentir cet environnement toxique.
Un album qui se lit avec intérêt pour le contexte, les développements de l’intrigue et les images superbes.
serge perraud
Ken Broeders, Le Souffle du diable, Éditions Anspach, août 2025, 64 p. – 16,95 €.