Pierre Saïet, Phalènes

Pierre Saïet, Phalènes

Les unes et les autres

La phalène est un grand papillon nocturne ou crépusculaire, aux ailes délicates et à l’abdomen mince. Le anti-héros Pierre Saïet est dans ses rêves nocturnes hantée par elle à travers les jeunes filles et femmes qui d’une manière ou une autre furent ses amantes.

Durant ses nuits sans sommeil, il fait leur compte pour combattre l’insomnie, oublier les bruits de la rue et tromper l’ennui. Le remède n’est pas parfait mais plus efficace que la recette consistant à compter les moutons : « À force de dénombrer les brebis d’un troupeau imaginaire, on se noie vite sous le suint de la laine ».

Tout est écrit ici non sans humour là où dans leur décompte les prénoms retiennent l’attention du godelureau veilleur. Si bien que, paradoxalement, le sommeil n’est plus de saison.
Car cette mémoration entraîne des troubles tant certains prénoms féminins se ressemblent, d’où de multiples confusions d’autant que la spéculation rétrospective mélange amies ou amantes ce qui perturbe sensiblement la liste que le narrateur veut alphabétique qui ne donne pas pour autant toute satisfaction requise étant donné les doublons.

Mais de toute façon aucune méthode ne peut être rigoureuse dans la saisie des beautés plus lointaines que proches. Il y a là de quoi prolonger l’insomnie indéfiniment. Pour autant, ce narrateur ne joue pas le Don Juan et encore moins « un banal tireur, si j’ose user de cette horrible métaphore de soudard. » écrit l’auteur.
Il se veut juste l’épris des femmes au point d’en aimer autant leurs défauts que « leur insupportable complexité intérieure. »  Ce qui n’empêche pas le pseudo-machiste de les écouter. Et surtout d’espérer voir grandir la liste de concurrentes dans l’épineux jardin des délices avant que la sénilité arrive.

Chacune ici et à sa façon lui répond comme la nymphe Écho pour Narcisse Mais à l’inverse de ce dernier, le narrateur peut beaucoup plus que lui. Comme le prouvent la fantasmagorie du rêveur éveillé et de son soliloque accompagné d’images photographiques, retrouvées au hasard.

jean-paul gavard-perret

Pierre Saïet, Phalènes, Editions Esdée, 56130 Camoël, 2023, 164 p. – 15,00 €.

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