Olivier Merle, Le Croquemort
Un livre insolite et décalé
Avec ce nouveau roman, Olivier Merle change de registre. Après une série de thrillers angoissants, il propose un livre aussi noir que baroque, décalé, drolatique à souhait.
C’est parce que l’on garde des liens très forts avec ses amis d’enfance que David Livingstone décide de revoir Hector, son copain de lycée, perdu de vue depuis cinq ans. Le numéro de téléphone ne répond plus mais grâce au Net, il trouve son adresse. Depuis Lyon, il part pour Paris. Lorsqu’il frappe à la porte, personne ne répond. C’est le voisin de palier qui, prévenu par une dame, la veille, lui délivre un message. Il doit aller à un rendez-vous.
Fortement intrigué, il s’y rend. C’est une jolie jeune femme qui arrive, se présentant comme la femme d’Hector. Libertad lui révèle que son époux est dans une situation délicate. Il doit être très prudent. Et elle l’emmène dans une chambre d’hôtel où est caché Hector. La teneur d’un appel téléphonique semble être très problématique pour son ami. David pourrait l’aider en se rendant à une adresse pour remettre un petit paquet. David accepte… Et là tout bascule.
Le lecteur est invité à une plongée inquiétante dans les ténèbres de l’âme, dans une spirale de mystères et de manipulations. C’est David qui narre son aventure, usant de la première personne du singulier. Il raconte ce qui lui arrive, explique son parcours, les raisons de ses décisions, ses appréciations et ses observations. Au début de l’histoire, il prévient que ce qu’il a vécu n’est pas ordinaire mais réel. Aussi, il invite les sceptiques, les incrédules à arrêter de lire, à fermer le volume, voire à le mettre à la poubelle. Le ton est donné.
Trois personnages principaux occupent la scène. David, le héros, se définit comme un individu ordinaire. Il fait preuve d’une certaine lucidité mais se laisse embringuer par les souvenirs d’une amitié qui a beaucoup compté. Hector est très peu présent mais c’est cette absence qui est centrale dans l’intrigue. Son rôle est teinté de sombres secrets, de zones d’ombre, d’une rouerie maléfique. Le lien entre les deux est Libertad, personnalité mystérieuse dont le charme trouble David. Ses motivations, ses intentions sont hypothétiques. Elle fait figure de victime mais peut se montrer capable d’initiatives pertinentes.
Les péripéties s’enchaînent à un rythme soutenu, se déploient dans tous les sens, surtout les plus inattendus. Les retournements de situations renversent la vapeur et ce qui semblait juste se révèle faux. Olivier Merle glisse, au fil des pages, des rebondissements, un humour délicieux ou cinglant. Il ne manque pas de faire référence à une chanson de Georges Brassens, à une rencontre historique au cœur de l’Afrique.
Le Croquemort, roman noir par excellence, joue avec de nombreux codes, ceux du thriller, de la comédie, pour un récit attractif en diable.
serge perraud
Olivier Merle, Le Croquemort, XO Éditions, coll. Roman, août 2025, 288 p. – 19,90 €.