Olivier Billottet, Le pantoum de la danseuse
Reconstruction du temps et du monde
Epousant le rythme de « sa » Danseuse (la saltimbanque mérite sa majuscule), l’auteur à travers son Esmeralda du monde du XXIème siècle rappelle que le présent ressemble de plus en plus à la cour des Miracles du Moyen Age. Dans un jeu de répétitions, l’auteur évoque une prestation interlope qui mêle hier et aujourd’hui : « Avec un marécage avalant une aurore./ Les jardins de jadis, fertiles en tambours, / Barbouillent lentement un spectacle incolore / Ce triste numéro constelle les faubourgs » mais celles et ceux qui savent entendre et voir cette prestation trouvent là une mer d’amour qu’ils saluent d’applaudissements et d’ovations.
Ce magnifique pantoum qui remet en mémoire une forme oubliée est suivi de poèmes plus resserrés et nocturnes. Des ogres et des loups nous tirent par les pieds et ont brouillé bien des cartes. Reste à Olivier Billottet de poursuivre dans l’immanence des images la création d’une œuvre qui n’est pas la cathédrale où Esmeralda crut trouver refuge mais une toile d’araignée qui se tisse sous nos yeux.
Voici une sorte de terre pure. Le poète, semeur de passages, peut y planter sa tente. Il ouvre nos yeux. Ce n’est plus l’extase du vide qui guérit de la maladie du temps. Qu’importe si la fusion dans le réel n’est pas au rendez-vous (
Marina Stvetaïeva elle-même le savait, elle qui mourut au crépuscule du matin comme du soir).
Restent ici des fleurs nées de l’espace, des ondées de grâce afin que les enfants du futur fassent partie de nous.
Les poèmes laissent monter la voix, tissent l’absence. Des voiliers voguent sous la texture des vents. Les limaces au sol laissent une trace. Et le poète à qui on voulut la retirer, l’inscrit. Il dit à mots découverts comment joindre une nature à l’autre, un temps à l’autre dans une reconstruction du temps et du monde.
Par la fenêtre, « les montagnes colorées » étreignent des flammes. Billottet sectionne des liens aux ascendants mais rapproche tout autant les époques. Une poésie avance et germe. Elle engendre un amour fou dans le noir. Elle communique avec un ailleurs comme les yeux dans le rêve. S’ouvre la sensation d’un réveil d’un monde plus réel et qui indique l’orient.
jean-paul gavard-perret
Olivier Billottet, La pantoum de la danseuse, Olivier Billottet éditions, 2018, 48 p. – 2,00 €.